En 1998, nous avons libérés 18 animaux d’un laboratoire. Voici leur histoire vraie, une histoire qui se finit bien pour 18 lémuriens, de petits primates originaires de Madagascar, en voie de disparition et pourtant utilisés pour la “recherche”.
Ils se trouvaient dans un centre d’expérimentation, pour certains depuis de nombreuses années, dans des conditions légales mais pitoyables. D’abord, il y avait la vie en cage. Nous vous laissons imaginer l’ennui de ces animaux vifs et intelligents, rompu seulement par quelques visites et expériences. Certains étaient seuls dans une petite cage (les lémuriens ont besoin de contacts et d’une vie de groupe) et, clairement, ils montraient des signes de grandes perturbations psychologiques. Ils sautaient sans arrêt en tournant contre les parois de la cage. Pour d’autres, les cages étaient plus grandes, mais pas de nids ni d’abris.
Des algues dans les cages
Les lémuriens ne servaient qu’à des travaux dits de caryotype exigeant des prélèvements de peau, de sperme et de sang. Rien d’atroce, mais des manipulations tout de même, avec la peur qu’elles impliquent. Dans le laboratoire, l’été, sous les toits, il faisait souvent plus de 40°. Mais l’hiver, en l’absence de chauffage (en panne depuis longtemps), la température tombait parfois à 7°. Or ces animaux sont habitués à une chaleur tropicale.
La salubrité de l’animalerie était plus que douteuse du fait d’une importante humidité permanente, et le sol ainsi que des murs de cages étaient recouverts d’une épaisse couche d’algues glissantes. Le centre manquant de crédits, ces petits lémuriens avaient faim : la nourriture n’était pas suffisante. une bassine de pommes talées, c’est tout…
Pas non plus de produits d’entretien d’aucune sorte. Le nettoyage consistait en un coup de jet d’eau… Dans ces conditions, les nouveau-nés ne survivaient pas au sevrage. Les mères préféraient les laisser mourir plutôt que de leur « offrir » une telle vie.
Des mois de tractations
Une personne bien intentionnée et indignée de la grande misère de ces animaux nous a alertés durant l’été 1997. Nous avons aussitôt entrepris des enquêtes approfondies et réalisé un reportage détaillé sur leurs mauvaises conditions de vie. Puis nous avons pris contact avec les responsables du laboratoire.
Après de longs mois de travail, d’attente, d’angoisse, nous avons partiellement eu gain de cause. Au moment des tractations nous avons appris qu’une dizaine de lémuriens venaient d’être envoyés dans un autre laboratoire, sans que nous puissions les sauver. Le cœur serré, nous avons entendu « qu’ils n’avaient pas souffert » : une euthanasie suivie d’études du vieillissement cérébral. Ces explications ne nous ont pas rassurés. Pour eux, nous sommes arrivés trop tard – état de fait extrêmement difficile à accepter.
Nous avons tout de même pu sortir légalement les autres : 18 nous ont été confiés le 18 octobre, transférés le jour même au Refuge de l’Arche à Château-Gontier en Mayenne, où nous avions déjà mis les 36 macaques libérés en juin 1996 d’un laboratoire parisien.
Là, nous avons eu le plaisir de voir nos protégés revenir progressivement à une vie meilleure, avec de l’espace, des températures convenables et une nourriture abondante et variée : ils sont même venus prendre du raisin ou des madeleines dans nos mains. Joie intense !