En 2010, André Ménache – vétérinaire et directeur scientifique d’Antidote Europe – signait pour One Voice un rapport sur l’utilisation des primates non-humains en neurologie et leur nécessaire remplacement. Ses observations, comme ses conclusions, sont malheureusement toujours d’actualité.
L’utilisation des primates non-humains
Les primates non-humains sont largement utilisés dans les laboratoires du monde entier, en particulier pour l’étude du fonctionnement du cerveau. Certains scientifiques les considèrent en effet comme le modèle le plus approprié. Chaque chercheur en recherche fondamentale est libre de décider d’utiliser, ou non, un modèle animal. Il n’y a aucune exigence légale sur ce point et de nombreux chercheurs en neurologie n’ont pas recours à l’expérimentation animale. Quant à ceux qui font le choix d’expérimenter sur le cerveau des singes, ils bénéficient d’une immunité quasi totale. Leurs expériences sont ignorées des contribuables qui participent pourtant à leur financement ! Pour accroître leurs chances d’obtenir des subventions, les chercheurs profitent souvent du chevauchement entre science fondamentale et appliquée. En neurologie, c’est le cas des travaux sur le cerveau qui pourraient être exploités pour soigner une maladie, comme celle de Parkinson.
Un modèle inadapté
Pourtant ce chevauchement n’est pas fructueux. Une recherche effectuée sur 25 000 articles relatifs à des études découlant de l’animal a révélé qu’environ 500 d’entre eux (2%) pouvaient prétendre à une applicabilité future chez les humains. Parmi ces 500 études, environ 100 (0,4%) ont abouti à un essai clinique et une seule (0,004%) a permis l’élaboration d’une catégorie de médicaments cliniquement utiles pour abaisser la pression artérielle. Cette découverte utile n’était cependant pas due à l’expérimentation animale mais au résultat d’études informatiques (1) ! Aucune autre discipline scientifique ne tolère un taux d’échec aussi élevé. Pourtant ce dernier n’a rien d’étonnant. Les similitudes entre le cerveau humain et celui des autres primates ne sont pas suffisantes pour que le modèle soit pertinent. Des différences anatomiques et physiologiques existent. Toutes les zones ne sont pas développées de la même manière et des zones similaires peuvent ne pas avoir la même fonction !
Ethique, bien-être et cohérence
Que les cerveaux des humains et de leurs cousins primates ne soient pas similaires n’est pas le seul frein à la pertinence de leur utilisation pour la recherche en neurologie. Au-delà même des questions éthiques, les conditions dans lesquelles ils naissent et sont détenus constituent à elles seules un biais énorme si ce n’est suffisant. Les modifications comportementales induites, souvent profondes, représentent un handicap certain à toute tentative de généralisation. Les macaques détenus dans les petites cages des laboratoires montrent fréquemment des signes de détresse sévère et des comportements stéréotypés comme se balancer, se tordre le cou et arpenter la cage. Ils peuvent aller jusqu’à l’automutilation en s’infligeant des morsures, en s’enfonçant les doigts dans les yeux, en se projetant ou en se frappant la tête contre les parois de la cage… Comment espérer alors que leur cerveau soit un modèle fiable ?
Modèles courants à défaut d’être pertinents
Dans son rapport, André Ménache est revenu sur quatre pathologies neurologiques pour lesquelles certains chercheurs font le choix d’utiliser des primates non-humains. Pour chacune d’elles, il démontre la stérilité de la démarche. L’AVC apparaît ainsi comme un échec monumental de l’expérimentation animale. Les ouistitis, comme les rats, n’ont en rien fait progresser notre connaissance de ce déficit neurologique soudain. Seules les découvertes cliniques faites sur l’homme ont permis d’améliorer le pronostic vital de ceux qui en sont victimes, notamment par une détection précoce. Le modèle primate non-humain parkinsonien n’a, quant à lui, permis aucune avancée. La stimulation cérébrale profonde, découverte près de 40 ans auparavant, a atteint son plein potentiel 3 ans avant le début de la vivisection. L’utilisation des microcèbes pour l’étude de la maladie d’Alzheimer n’est guère plus féconde, tandis que des études épidémiologiques portant sur des sujets humains permettent d’obtenir des résultats non seulement pertinents, mais directement exploitables ! Concernant l’autisme, comme pour Parkinson ou Alzheimer, il est trompeur de susciter des espoirs de traitement via l’expérimentation sur des animaux qui en sont naturellement indemnes…
Des alternatives existent
Les différences existantes entre le cerveau humain et celui des autres primates sont trop importantes pour que l’étude de celui de ces derniers permette une connaissance précise du nôtre. Son mode de fonctionnement intégratif en particulier ne peut être correctement appréhendé. Les études invasives sur le cerveau des singes n’étant pas transposables à l’humain, les seules approches possibles sont donc celles que nous offre la technologie actuelle. La tomographie par émission de positons (TEP), l’imagerie par résonance magnétique nucléaire (IRM), l’électroencéphalographie (EEG), la magnétoencéphalographie (MEG) et la stimulation magnétique transcrânienne (TMS) sont quelques-unes d’entre elles.
Le levier politique
C’est la mobilisation du public face à ces pratiques qui pourra faire changer les choses en créant sur les politiques une pression suffisamment importante pour contrebalancer celle déjà exercée par l’industrie et les vivisecteurs. La médecine n’a pas besoin des animaux pour avancer. Certaines technologies et stratégies actuelles sont basées sur la biologie humaine et donc, beaucoup plus pertinentes !
Soutenez la campagne de One Voice pour mettre fin au martyr des macaques !
(1) W. F. Crowley, Jr., Am J Med 114, 503 (Apr 15, 2003)