Le pot de fer mis KO debout par le pot de terre. C’est la morale de l’affaire de Montbeugny (Allier), où face à une puissante firme américaine, Marhall Farms, la mobilisation de tous a permis d’éviter l’implantation d’un immense centre d’élevages de beagles, destinés à la vivisection.
Usine d'élevage de beagles
Au départ, Marshall Farms voulait s’implanter en France. Elle exporte chaque année, dans notre pays, 2000 beagles issus de son usine d’élevage des Etats-Unis (qui livre annuellement 16.000 chiens aux vivisecteurs, sans compter les furets). Des animaux vendus de 750 euros à 900 euros, pièce. Or, avec les fluctuations du dollar et les frais de transports, l’entreprise trouvait plus économique de s’installer chez nous. D’où l’idée de construire un gros élevage de beagles (de 1500 à 2 000 chiens) à proximité du couloir rhodanien pour desservir notamment les labos de la région lyonnaise. Déjà, par deux fois, à Blyes dans l’Ainen 1997, puis au Donjon dans l’Allier en 1998, les habitants, les associations locales et One Voice avaient réussi à faire abandonner ce type de projets de Marshall Farms. Jamais deux sans trois !
Premières réunions
Donc, fin 1998, la firme jette son dévolu sur une autre commune de l’Allier, Montbeugny, environ 700 habitants, près de Moulins. Le maire donne son accord. Ses administrés l’apprendront dans la presse.
Et cela ne leur plait pas. Les habitants se mobilisent. Une réunion s’organise dès le 6 janvier 1999 avec des élus en présence de représentants de Pro Anima, One Voice et la Ligue Française Contre la Vivisection. One Voice s’engage d’ailleurs dans le collectif des opposants au projet (COAC).
L’enquête publique se déroule du 15 février au 19 mars 1999, avec trois commissaires enquêteurs. Début mai, en dépit de plusieurs entretiens avec le responsable de campagnes de One Voice, et de la remise de notre dossier juridique, le verdict est positif pour la création du cente d’élevage.
Non respect des normes
Parallèlement une rencontre avec le préfet de l’Allier, Philippe Grégoire, laisse envisager une possibilité de recours. Le représentant de l’Etat indique qu’il prend en considération les remarques de One Voice sur les conditions d’élevage des chiens, parce qu’elles sont fondées sur des textes législatifs. Marshall Farms n’entend pas se plier à la réglementation française, qu’elle juge trop contraignante (entendez par là trop coûteuse).
Elle veut imposer sont système «hors sol» à l’américaine avec 0,7 m2, par chien (contre 5 m2 minimum par chien pour tout élevage, arrêté de 1982) et ne pas respecter les normes européennes (qui prévoient que les animaux ne peuvent être détenus sur du grillage et doivent bénéficier d’exercices quotidiens, directive 86/609/CEE).
Les élus se bougent
Des courriers sont adressés au ministre de l’Environnement de l’époque, Dominique Voynet. Des contacts sont pris avec les élus locaux. Deux députés, dont Michel Charasse prennent partie contre l’élevage, tout comme le président du Conseil Général de l’Allier, M. Mairal. L’association Allier Nature prend aussi part à la mobilisation tout comme les SPA indépendantes de l’Allier.
Coup de théâtre, le 15 mai, Gabriel Vandewalle, maire de Montbeugny, fait savoir qu’il ne veut plus voir Marshall Farms s’implanter sur sa commune. ! Le 20 mai, alors qu’il avait refusé toutes les demandes de rencontre de One Voice, il accepte de rencontrer notre responsable de campagnes.
Un million d'opposants
A la suite d’une nouvelle rencontre, le 15 juillet, en présence de responsables d’associations américaines, le préfet de l’Allier décide de prendre trois mois de réflexion supplémentaires avant de se prononcer. Une nouvelle réunion se tiendra encore avec le préfet le 21 octobre afin de lui remettre 130.000 signatures supplémentaires sur la pétition d’opposition au centre (au total plus d’un million de personnes ont montré leur hostilité au projet).
Finalement le conseil départemental d’hygiène, ultime étape de l’examen du projet, est programmée pour le 4 novembre. Ses membres reçoivent leur convocation le 23 octobre. Elle est assortie de deux documents de 5 pages chacun émanant de la direction des services vétérinaires et de la préfecture qui sont deux faire-part de trépas du centre (voir ci dessous).
Une dernière manifestation devant la préfecture de Moulins a eu lieu le jeudi 4 novembre au matin pour, une fois n’est pas coutume, féliciter l’administration de son choix intelligent.
Extraits du rapport de la DSV
«L’association One Voice a transmis un argumentaire sur le non-respect des dispositions de la directive 86/609/CEE ainsi que de l’arrêté du 25 octobre 1982 relatif à la garde, à l’élevage et à la détention des animaux.»
«Dans le projet d’élevage de la société Marshall, les animaux sont élevés spécifiquement en vue de leur utilisation pour l’expérimentation animale. Les animaux sont élevés en cages grillagées. Il n’y aura aucune expérimentation animale sur le site. Mais les chiens seront élevés dans les mêmes conditions que leurs futures conditions expérimentales. »
Extraits de l'arrêté du préfet
«Considérant en conséquence que le projet doit être examiné sous l’angle de la législation relative à la protection animale, Considérant que les chiens seraient élevés dans des cages surélevées sans contact avec le sol, dont les dimensions ne leur permettraient pas de pouvoir s’y mouvoir librement et aisément,
Considérant que ces cages comportent des sols grillagés susceptibles de provoquer chez les animaux détenus des souffrances ou des blessures graves,
Considérant que depuis leur naissance jusqu’à leur départ pour les laboratoires, ces animaux seraient privés de tout exercice quotidien, Considérant qu’il s’agit là de conditions d’élevage inadaptées à l’espèce canine et qui ne respectent pas le bien-être animal, que ces conditions sont paradoxalement inférieures en qualité à celles exigées par la réglementation pour les animaux de même espèce détenus dans les laboratoires d’expérience,
Considérant que le projet de ce point de vue est en contradiction avec les normes législatives françaises et européennes,
Considérant que l’annonce du projet de l’EURL Marshall a suscité une vive émotion dans toute la France comme en atteste le million de pétitions et courriers divers reçus par les pouvoirs publics, les prises de positions de nombreux élus, et qu’elle a déjà donné lieu à des manifestations sur la voie publique,
Considérant les menaces graves exprimées aux autorités administratives,
Considérant les menaces à la sécurité du projet et à celle des personnes qui y travailleraient,
Considérant la difficulté d’assurer la protection permanente du site du fait de sa dimension et de son caractère extrêmement isolé, Considérant la volonté affirmée d’opposants à ce projet d’en empêcher la réalisation par tous les moyens, même illégaux et violents, Considérant que ce projet entraîne donc un trouble évident à l’ordre public susceptible de perdurer et qu’il appartient au représentant de l’État dans le département d’y mettre fin.
Arrêté : la demande présentée par l’EURL Marshall Europe en vue d’être autorisée à exploiter au lieu-dit «Les Loges Barrault» sur le territoire de la commune de Montbeugny un élevage de chiens destinés à l’expérimentation animale est refusée.»
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