Comment parvenir à mieux connaître les mécanismes qui font que certains humains tombent dans la toxicomanie ? L’Inserm a la réponse : en étudiant le comportement des rats. C’est ainsi que 100 rongeurs ont été soumis à des prises répétées de cocaïne. Le résultat de l’étude, publié le 13 août 2004 dans la revue Science, montrait que 17% des animaux devenaient réellement toxicomanes. Mais ce que cachait l’Inserm est que pour valider cette recherche, les rats ont été soumis à des chocs électriques. Un fait que « Libération » a dévoilé dans son édition du 23 octobre 2004.
Étudier la dépendance
Que les rats soient des adeptes des drogues, au même titre que d’autres animaux comme les primates, par exemple, est un fait avéré de longue date. L’Inserm dans sa publication n’en fait d’ailleurs pas mystère. Mais ce que l’unité de recherche a voulu cerner est la manifestation de phénomène de dépendance, jusqu’alors uniquement relevés chez les êtres humains.
Auto-administration
“Pour cela, elle a étudié la consommation volontaire (auto-administration) intraveineuse de cocaïne de quelque 100 rats, est-il écrit dans Science. Les rats, dont les mouvements sont libres, s’auto-administrent la drogue quand ils enfoncent leurs museaux dans un trou disposé dans une des parois de leur chambre expérimentale”
Un cathéter dans la jugulaire
Libération précise les conditions exactes de l’expérience : « sur un côté de la cage, à gauche, un trou. Sur l’autre, en face, un autre trou et trois voyants lumineux : rouge, vert, bleu. Chaque orifice est relié à des capteurs convergeant vers un ordinateur. Entre en scène le rat blanc, un cathéter dans la jugulaire. Il les explore, à gauche, à droite. Une fois, deux fois. En cinq à dix minutes, il apprend qu’à chaque visite à droite, si le voyant est vert, il est saisi d’une sensation agréable : il a reçu une dose de cocaïne en intraveineuse ».
Expérience de trois mois
Les rats ont été soumis à cette expérience pendant trois mois. Mais pour démontrer comment se crée le phénomène de dépendance, l’expérience a été raffinée à la manière des supplices chinois. Ainsi décrit l’Inserm : « Ce comportement est testé en estimant le travail que l’animal est prêt à fournir pour recevoir la drogue grâce à la programmation d’un nombre de demandes de plus en plus important, nécessaire pour que l’animal reçoive une injection de cocaïne (jusqu’à un millier) ».
La "punition", une décharge électrique
Enfin, pour bien s’assurer que certains rats étaient vraiment accros, les chercheurs ont évalué « la persistance du comportement de prise de drogue quand l’administration de celle-ci est associée à une punition ». « Punition » que l’Inserm se garde de décrire, mais que Libération explique : « un voyant bleu les prévient que chaque prise sera désormais associée à une décharge électrique dans les pattes. Ils y vont quand même, 50 fois, 100 fois ».
17% d’accros
Résultat donc, 17% des rats deviennent toxicomanes, ce qui n’est pas vraiment une surprise puisque l’on retrouve sensiblement le même pourcentage (15%) chez les humains. « Les travaux de l’équipe bordelaise suggèrent également que la » toxicomanie » n’est pas uniquement le fait d’une exposition prolongée à la drogue. Elle résulte aussi du degré de vulnérabilité de chaque individu à la dépendance », précise l’article de Science.
Stress prénatal
Là encore Libération va plus loin et expose la façon dont le responsable du centre de recherche a mené ses précédents travaux. « Au cours des années 90, [il] démontre […] l’importance des expériences de vie dans l’origine de cette vulnérabilité. Il soumet des rongeurs à divers stress (des situations à laquelle l’animal tenterait d’échapper s’il le pouvait, selon la définition) : des changements d’environnement physique ou social à l’âge adulte, des expériences précoces comme un stress prénatal, ou encore la traversée d’une disette. Il découvre alors que les animaux stressés sont les plus demandeurs de drogue ».