Eh oui, ça y est ! La décision est enfin prise, et One Voice (Talis) fut la première à répandre la bonne nouvelle auprès des médias et des autres associations, dès le samedi 23 octobre. Stéphane Charpentier, à nouveau dans l’Allier, venait de prendre connaissance d’un rapport défavorable signé de madame Berr, directrice des services vétérinaires de l’Allier, et d’un projet d’arrêté (non encore signé et daté quand nous l’avons vu !) du préfet, pour une interdiction du «plan Marshall». Voici un résumé des derniers événements.
NOUVEAUX RENDEZ-VOUS AVEC DES RESPONSABLES
Nous vous avions annoncé que monsieur Philippe Grégoire, préfet de l’Allier, avait pris trois mois de délai supplémentaire. C’était au lendemain de la visite de One Voice (Talis) le 15 juillet, en compagnie de responsables d’associations américaines, et nous l’avions fait encore douter davantage sur la firme elle-même, pas seulement sur le projet ! Tout cela repoussait au plus tôt les choses au 16 octobre. Ce pouvait être plus tard… L’association Allier Nature confirmait que la réunion du Conseil départemental d’hygiène d’octobre n’incluait pas Montbeugny et Barrais-Bussolles (l’énorme porcherie industrielle du groupe Arrow) dans son ordre du jour.
Mais nous n’attendions pas l’arme au pied ! L’équipe continuait à prendre des contacts et des rendez-vous dans la région.
QUATRIÈME VISITE AU PRÉFET
En compagnie de Rosine Barakat et de Marie-Claire Pouillen, du COAC (énergique groupe local d’opposants dont Talis est membre) et de Jacques Debeaud, président d’Allier Nature, nous avons de nouveau rencontré (pour la quatrième fois !) le préfet Philippe Grégoire, le jeudi 21 octobre au matin, pour lui remettre 130 000 signatures supplémentaires. Il nous avait retenus une heure et quart, gardant encore le secret de sa décision, mais nous avions déjà bon espoir. Il nous avait interrogés sur les risques de troubles de l’ordre public, et Stéphane Charpentier n’avait pas hésité à lui déclarer ouvertement que nous envisagions des grèves de la faim, de nous enchaîner aux engins de chantiers, et d’aller jusqu’à «démonter les bâtiments comme un vulgaire McDo !». Ce message aussi est bien passé, mais nous n’aurions pas osé proféré ces quasi-menaces s’il ne nous avait questionnés en détail.
LE CONSEIL DÉPARTEMENTAL D’HYGIÈNE
One voice (Talis) avait continué à prendre des rendez vous avec des élus et responsables locaux, notamment des membres du CDH (Conseil départemental d’hygiène) et obtenu de nouvelles promesses de votes contre le projet Marshall, par exemple du maire du Tronget, monsieur Berthommier, ou du vice-président de la Chambre d’agriculture, monsieur Laurent. Nous avions aussi rencontré des élus s’étant déjà déclarés opposés, comme monsieur René Charette, maire d’Avermes, afin de discuter de la stratégie d’obstruction lors de la prochaine réunion : Talis insistait pour bloquer le projet «au cas où…». Et puis, le samedi 23 octobre, les membres du CDH ont reçu la convocation pour la réunion du 4 novembre : le dossier Marshall était à l’ordre du jour et deux documents joints annonçaient son trépas.
Depuis une cabine téléphonique moulinoise, nous commencions immédiatement à prévenir militants et responsables associatifs, avant même la presse… Premières explosions de joie ! Stéphane Charpentier apprend aussi la chose à Gabriel Vandewalle, le maire de Montbeugny qui le remercie avec un soulagement évident. Et il y a même un coup de fil ironique pour… Marshall ! Mais qu’y a-t-il de si positif dans les deux documents ?
DSV : RAPPORT DÉFAVORABLE
Le premier est un rapport technique signé de madame Berr, directrice des services vétérinaires (DSV) de l’Allier. En voici quelques brefs extraits.
«L’association One Voice (Talis) a transmis un argumentaire sur le non-respect des dispositions de la directive 86/609/CEE ainsi que de l’arrêté du 25 octobre 1982 relatif à la garde, à l’élevage et à la détention des animaux.» «Dans le projet d’élevage de la société Marshall, les animaux sont élevés spécifiquement en vue de leur utilisation pour l’expérimentation animale. Les animaux sont élevés en cages grillagées. Il n’y aura aucune expérimentation animale sur le site. Mais les chiens seront élevés dans les mêmes conditions que leurs futures conditions expérimentales.
ARRÊTÉ DU PRÉFET PORTANT REFUS D’AUTORISATION
Le second est un projet finalisé – il ne portait toutefois pas encore de date ni de paraphe du préfet (c’est fait maintenant), mais son contenu était déjà clair. En voici une large partie.
«Considérant en conséquence que le projet doit être examiné sous l’angle de la législation relative à la protection animale, Considérant que les chiens seraient élevés dans des cages surélevées sans contact avec le sol, dont les dimensions ne leur permettraient pas de pouvoir s’y mouvoir librement et aisément, Considérant que ces cages comportent des sols grillagés susceptibles de provoquer chez les animaux détenus des souffrances ou des blessures graves,
Considérant que depuis leur naissance jusqu’à leur départ pour les laboratoires, ces animaux seraient privés de tout exercice quotidien, Considérant qu’il s’agit là de conditions d’élevage inadaptées à l’espèce canine et qui ne respectent pas le bien-être animal, que ces conditions sont paradoxalement inférieures en qualité à celles exigées par la réglementation pour les animaux de même espèce détenus dans les laboratoires d’expérience,
Considérant que le projet de ce point de vue est en contradiction avec les normes législatives françaises et européennes,
Considérant que l’annonce du projet de l’EURL Marshall a suscité une vive émotion dans toute la France comme en atteste le million de pétitions et courriers divers reçus par les pouvoirs publics, les prises de positions de nombreux élus, et qu’elle a déjà donné lieu à des manifestations sur la voie publique,
Considérant les menaces graves exprimées aux autorités administratives,
Considérant les menaces à la sécurité du projet et à celle des personnes qui y travailleraient,
Considérant la difficulté d’assurer la protection permanente du site du fait de sa dimension et de son caractère extrêmement isolé,
Considérant la volonté affirmée d’opposants à ce projet d’en empêcher la réalisation par tous les moyens, même illégaux et violents,
Considérant que ce projet entraîne donc un trouble évident à l’ordre public susceptible de perdurer et qu’il appartient au représentant de l’État dans le département d’y mettre fin.
Arrêté : la demande présentée par l’EURL Marshall Europe en vue d’être autorisée à exploiter au lieu-dit «Les Loges Barrault» sur le territoire de la commune de Montbeugny un élevage de chiens destinés à l’expérimentation animale est refusée.»
UNE BONNE STRATÉGIE
Ces deux documents de cinq pages chacun reprennent notamment les arguments juridiques avancés par One voice (Talis) sur le caractère illégal des conditions de vie des chiens (cage en grillage et non box, sol en grillage, superficie insuffisante, manque d’exercice).
En œuvrant « en droit » avec deux mémoires d’avocats et un rapport juridique transmis en mars 1999 au ministère de l’Agriculture, Talis a ainsi fourni aux autorités les textes législatifs dont elles avaient besoin pour dire non. C’est donc une grande satisfaction de voir notre stratégie fonctionner, notre travail reconnu, ainsi que celui de notre avocate, Maître Fabienne Filpi, que nous remercions vivement pour son merveilleux travail.
Les documents soulignent aussi l’émotion considérable suscitée, ainsi que les troubles de l’ordre public à craindre : ce qui prouve bien que c’était une partie de «bras de fer», et que nous l’avons gagnée. Au-delà des aspects techniques, il est clair que des aspects politiques sont entrés en ligne de compte, mais nous ne savons pas à quel niveau – au moins un ministère, voire plusieurs…
Soyons lucides, l’Administration ne coule pas un projet de 10 millions de francs pour les beaux yeux des chiens, mais parce que nous avons su créer ensemble un rapport de force qui leur était favorable – leçon à retenir !
Mais nous avons eu deux gros avantages cette fois-ci :
- Les Américains ont voulu tricher et se sont fait prendre parce qu’ils voulaient trop de profits – et s’ils avaient joué légalement le jeu ?
- Il s’agissait de chiens, donc sympathiques et médiatiques – nous en connaissons beaucoup, même parmi les «amis des animaux», qui ne bougent pas pour des souris, des rats ou même des singes. À méditer aussi.
FIN ET SUITES ?
Fin d’un an d’actions, une dernière manifestation devant la préfecture de Moulins a eu lieu le jeudi 4 novembre au matin (tôt, vers 8 h 30, à l’arrivée des participants du CDH !) mais pour féliciter l’administration de son choix judicieux et compassionnel.
Puis une conférence de presse des associations s’est tenue dès la sortie de la réunion.