Au moment de clôre la rédaction d’Animaction, nous n’avons toujours pas la décision ultime, celle du préfet de l’Allier. Toutefois nous disposons d’éléments importants pour apprécier la situation, lesquels valent d’ajouter des pages spéciales au centre de ce journal. Voici donc les dernières nouvelles de la campagne contre l’immonde projet d’élevage de beagles.
Rencontres et démarches multiples
Au nom de One Voice (Talis), Stéphane Charpentier a fréquemment repris la route de Moulins ou de Vichy pour rencontrer les responsables. Début mai, Hubert Darmangeat, commissaire- enquêteur, a rendu son rapport. Comme nous le craignions, en dépit de deux entretiens précédents et de la remise de notre dossier juridique, ce rapport est «positif» pour le projet de Marshall Farms, sous réserves cependant.
Il est aussi particulièrement choquant et partial. Rappelons néanmoins que les dés sont pipés pour plusieurs raisons, dont l’une évidente : on examine un projet d’installation classée (y compris porcs et volailles) en fonction de l’environnement – qui importe, certes – mais pas vraiment en fonction des conditions de bien-être et de respect des animaux.
Chez le préfet...
Ce fut aussi l’argumentation du préfet, rencontré le 27 avril. Une réunion avec Philippe Grégoire qui laissa un goût amer. Il nous fit comprendre qu’il ne pouvait prendre une position que si elle était dictée par le droit : «Je comprends bien la sensibilité des gens, mais ça ne peut pas suffire…» Notamment en fonction des textes sur les installations classées en matière d’environnement (pollutions, nuisances…).
Tant pis pour les animaux !
Sur la question directe de Stéphane Charpentier, le préfet a précisé qu’il prendrait en considération les remarques de One Voice (Talis) sur les conditions d’élevage des chiens (voir Animaction hors série d’avril), parce qu’elles étaient fondées sur des textes législatifs, même si le bien-être des animaux n’entre toujours pas, hélas, dans le cadre des installations classées. C’est là, répétons-le, notre meilleure arme juridique, car nous sommes intimement persuadés que Marshall Farms n’acceptera pas de modifier son système «hors sol» à l’américaine si on leur impose les normes françaises (non pas 0,7 m2, triste norme de laboratoire, mais bien 5 m2 minimum par chien pour tout élevage, arrêté de 1982) et européennes (ni en cage, ni sur du grillage, exercice quotidien : directive 86/609/CEE). Une formule qui leur reviendrait trop cher. En outre le site ne conviendrait plus pour construire sept fois plus de bâtiments !
Des positions claires
Il a été clairement dit que One Voice irait jusqu’au tribunal administratif, en appel ou au Conseil d’État s’il le faut, voire au niveau Européen pour faire condamner ce projet. Avec des arguments techniques fondés en droit et un large soutien, Talis peut les gêner plusieurs années. Toutefois, ce que nous voulons, c’est une victoire nette et rapide. Car, comme chacun sait, prévenir vaut mieux que guérir. C’est en ce sens que nous avons écrit à Madame la Ministre de l’Environnement, Dominique Voynet.
Toujours d’actualité, nos autres rendez-vous avec des élus locaux pour créer ou renforcer des pressions (y compris politiques) contre le maudit plan Marshall. Stéphane Charpentier a rencontré l’adjoint de monsieur Charasse et monsieur Colcombet, deux députés qui ont pris courageusement position contre le projet, de même que le président du Conseil général, monsieur Mairal, joint par nos amis du COAC (collectif d’opposants formé en décembre 1998 et dont Talis est membre) et d’Allier Nature. Désormais, ils disent tous clairement NON à Marshall !
L’évolution du maire: un fabuleux espoir
Le 15 mai, dans un revirement courageux, monsieur Gabriel Vandewalle, maire de Montbeugny, a fait savoir qu’il ne voulait plus voir Marshall Farms s’implanter sur sa commune, suite à de nombreux coups de fils, lettres anonymes et surtout à la fermeté de la population locale ! Ayant contacté pendant des jours tous les conseillers municipaux pour faire évoluer favorablement les choses, Stéphane Charpentier a également obtenu un rendez-vous avec le maire le 20 mai. Monsieur Vandewalle, qui avait toujours refusé toute entrevue, a choisi One Voice (Talis) comme interlocuteur pour un fructueux tête-à-tête.
D’abord méfiants, nous avons pu constater la sincérité de sa nouvelle position et lui avons donc confirmé notre souhait de collaboration (comme avec toutes les personnes de bonne volonté) pour que Montbeugny ne voie jamais l’implantation de cet élevage. Hélas, le permis de construire a déjà été accordé. Toutefois, nous avons bon espoir et c’est madame Ghislaine Rondot, gérante de Marshall Europe, qui doit se faire à présent du souci pour l’avenir – ainsi que ses patrons américains ! Conscients que l’opinion publique, de plus en plus informée, les gêne beaucoup (c’est tellement mieux quand on peut viviséquer en silence, sans «contre-publicité douteuse », sans «regrettable coup de projecteur » sur l’ensemble de l’expérimentation animale…), One Voice (Talis) a bien choisi ce moment pour acheter des parutions dans les journaux et enfoncer le clou. Car en informant encore et toujours sur l’absence d’éthique et le côté anti scientifique, One Voice (Talis) remplit sa mission en faveur de l’abolition de la vivisection !
Conclusion
Exposée dans Animaction hors-série d’avril, la stratégie de One Voice (Talis) demeure inchangée : les conditions d’élevage ne correspondent pas à la loi. En dehors de problèmes de nuisances justifiés (c’est même le seul argument juridique net qui ait été apporté dans les contestations associatives) rappelons que l’horreur de la vivisection ne traumatise pas les pouvoirs publics puisqu’ils la considèrent comme indispensable, d’où son aspect légal.
Il faut maintenant passer devant une commission d’hygiène et de sécurité (nous y travaillons au sein du COAC, avec Allier Nature) avant que le préfet ne se prononce. Précisons aussi qu’il peut légalement aller contre l’avis de la population, mais aussi de la commission d’enquête publique comme de celle d’hygiène et de sécurité.
Là, en désavouant certains, nous espérons qu’il suivra l’opinion publique, celle du maire et des habitants de Montbeugny.
En résumé, ce dossier prouve, une fois encore, combien il est difficile de se battre sur les multiples facettes de l’expérimentation animale : nous en voyons le côté immoral alors que les différents serviteurs de l’Etat n’en voient souvent – ou ne veulent en voir – que le côté juridique.
Mais le combat est bien engagé et One Voice (Talis) restera mobilisée tout l’été, même si, face à l’argent des exploiteurs d’animaux et à la prétendue raison d’Etat, la lutte est rude, voire inégale. Continuez de faire passer le message antivivisectionniste, c’est plus que jamais d’actualité.
Remerciements
Dans ce combat, nous tenons à saluer les partenaires de One Voice (Talis) pour le travail de fond : les associations départementales, Allier Nature, les SPA indépendantes de l’Allier, le COAC, et deux associations nationales vraiment engagées dans la dénonciation de l’expérimentation animale : La Ligue Française Contre la Vivisection et Pro Anima. Il faut féliciter ces « combattants de la première heure » pour leur investissement sincère alors que la partie s’avérait difficile.
Nous nous étions déjà battus ensemble, dès la première tentative d’implantation de Marshall Farms à Blyes en 1997 (Animaction n° 7), puis à la seconde au Donjon début 1998.