L’IFREMER est un institut national, ayant en charge l’observation et la surveillance de la qualité des milieux marins, en particulier dans les zones portuaires. A ce titre, il est notamment chargé d’évaluer la toxicité potentielle des coquillages destinés à la consommation. Mais les méthodes utilisées sont non seulement loin d’être efficaces mais également particulièrement cruelles pour les souris qu’elles utilisent…
Toxicité des coquillages
Les biotoxines sont des éléments naturellement présents dans certaines espèces de micro-algues (ou phytoplancton). Parmi elles, certaines sont toxiques pour les poissons et les coquillages qui s’en nourrissent, tandis que d’autres ne le sont pas et s’accumulent dans leur chair : les phycotoxines. Quand un humain se nourrit de ces coquillages, il est lui-même intoxiqué et développe différents symptômes – diarrhéiques, paralytiques ou amnésiques suivant la toxine impliquée – pouvant conduire à sa mort.
Les tests souris
Pour déterminer la présence d’une biotoxine dans un coquillage, des souris (parfois des rats) sont utilisées. Cette méthode a été imposée par l’Union Européenne comme méthode de référence depuis 1991. Il existe deux types de test, suivant le type de toxine que l’on souhaite identifier : pour les toxines dites lipophiles (c’est-à-dire solubles dans la graisse – dont les toxines diarrhéiques) et pour les toxines paralysantes (ndla: qui sont solubles dans l’eau). Dans les deux cas, on injecte directement dans le ventre de plusieurs souris des extraits de glandes digestives du coquillage. Si 2 souris sur 3 meurent dans les 24h, le test est jugé positif (le coquillage contient une toxine). L’injection est très douloureuse et déclenche des réactions disproportionnées par rapport à une ingestion orale, telles que diarrhées, convulsions et paralysies. Les souris intoxiquées meurent en souffrant, les survivantes sont euthanasiées. En 2005, 1880 tests souris ont été réalisés, utilisant chacun un minimum de trois souris… Leur nombre a été multiplié par 5 en 10 ans, suite à diverses recommandations de la Commission Européenne.
Les limites de ce type de test
Les tests souris révèlent le caractère toxique de l’extrait analysé mais n’identifient pas les toxines responsables. Si un coquillage se révèle être toxique et si les études phytoplanctoniques n’ont pas permis d’identifier la micro-algue concernée, on détermine la nature de la toxine impliquée par des analyses chimiques. Pour la plupart des toxines connues, on détermine également ainsi leur concentration. Un des problèmes posés par le test souris est qu’il réagit de manière identique, que la toxine soit connue ou ne le soit pas. Il n’est donc pas suffisant, car c’est en général de la concentration de la toxine que dépend l’autorisation de ramassage des coquillages. En outre, comme tout test faisant appel au modèle animal, il existe une variabilité importante des résultats.
Une méthode remise en cause par l’actualité…
La crise que connaît actuellement le bassin d’Arcachon est une conséquence directe et une illustration parfaite des limites de validité du test souris : les résultats sont contradictoires d’un laboratoire à l’autre et d’une expérience à l’autre et les chercheurs sont incapables d’identifier la substance responsable de la mort des souris… On ne sait donc pas quel est le risque réel pour l’humain !
… et par les scientifiques !
Différents rapports d’experts remettent directement en question la validité et l’utilisation des tests souris. Pour le Comité du Codex sur les Poissons et Produits de la Pêche (responsables de la protection de la santé du consommateur) cette méthode, imposée par l’UE, n’est pas adaptée comme méthode de référence du fait de ses nombreuses limitations. De même pour l’Institut allemand chargé de l’évaluation des risques, qui invite la communauté européenne à reconsidérer d’un point de vue scientifique le statut qu’elle accorde à cette méthode biologique…
Pourtant une alternative existe
Les méthodes physico-chimiques accompagnent depuis plus de 30 ans les méthodes biologiques. En outre, la plus grande efficacité des méthodes substitutives a été largement prouvée par de nombreuses recherches, tant au niveau européen qu’international. Concernant les tests souris, des experts préconisent en particulier leur remplacement par une méthode physico-chimique : la chromatographie liquide couplée à la spectrographie. La Nouvelle Zélande l’a d’ailleurs déjà officiellement adoptée comme méthode de référence pour détecter les toxines diarrhéiques et paralytiques !
Et ailleurs en Europe ?
L’Irlande, le Danemark, la Belgique et l’Espagne ont, comme la France, essentiellement recours aux tests sur souris. C’est le cas également du Royaume-Uni, qui tente malgré tout de prendre en compte la souffrance animale : moins de souris utilisées et des expérimentations sous anesthésie. Aux Pays bas, ce sont des rats qui sont utilisés pour rechercher les toxines paralysantes, mais il n’y a pas de tests souris pour les toxines diarrhéiques. L’Autriche, quant à elle, n’y a recours que dans un second temps, pour confirmer le résultat obtenu par la méthode physico-chimique.
La Finlande en revanche a interdit l’expérimentation animale pour détecter les toxines diarrhéiques et l’Allemagne recourt depuis 1980 aux techniques in vitro de cultures cellulaires ou à celles de la chromatographie, tout comme le Portugal qui développe exclusivement des méthodes physico-chimiques…
Des tests chimiques pour 2007
D’après la réglementation européenne, pour que la mise en œuvre d’une méthode substitutive soit rendue obligatoire, en remplacement d’une méthode utilisant des animaux, elle doit être validée par un protocole agréé à l’échelle internationale. La commission européenne a donc soutenu deux projets européens dès 2002, qui devraient être en mesure de proposer des tests chimiques validés pour la fin de l’année 2007. Dès lors, la France, comme tous les autres pays de l’UE devront les mettre en œuvre, pour le plus grand bénéfice de l’animal comme du consommateur…