Harlan. Le nom n’est guère connu. Il s’agit pourtant d’une très grosse société américaine qui se targue d’être le plus gros fournisseur d’animaux pour les laboratoires de recherche médicale. Elle dispose de neuf centres répartis dans le monde, dont un en France dans l’Allier. A l’en croire, les animaux y sont élevés dans les meilleures conditions d’hygiène et de confort qui soient. Ce n’est pas ce qu’ont constaté l’Union britannique pour l’abolition de la vivisection (BUAV) et One Voice.
Caméra cachée
Les deux associations ont réuni leurs efforts pour faire plier ce bastion. Au cours de l’année 1998, Jenny, une enquêtrice du BUAV, s’est faite embaucher dans le centre anglais d’Harlan. Là pendant dix mois, elle a accumulé les images en caméra cachée. Et ce qu’elle a rapporté est un constat accablant pour Harlan. Les chiens, des beagles, y étaient enfermés dans des conditions inacceptables.
D’abord, dans cet élevage, on ne dit pas chien ou beagle, on dit produit. Les reproducteurs qui sont pourtant censés demeurer là plusieurs années n’ont pas de nom, juste un matricule.
Femelles exploitées
Et pour produire, on produit. Il y a deux cents femelles affectées à la reproduction. Elles sont mises enceintes avant même d’avoir achevé leur croissance. C’est ainsi que Jenny a vu une femelle de neuf mois à peine, complètement désemparée qui avait mangé cinq de ses six chiots pendant la nuit. Une autre « nommée » DF163 a subi cinq grossesses avant même d’avoir quatre ans. Il ne s’agit pas de perdre de temps, donc de l’argent. Quant les femelles sont trop âgées ou trop épuisées, elles sont, selon la demande, soit fournies à des centres qui ont besoin de vieux chiens pour leurs recherches, soit tuées.
La vie des chiens est d’un ennui sans nom. Ils n’ont que peu de contacts avec les employés (alors qu’Harlan assure qu’ils sont parfaitement socialisés). Leur vie passe de leur box, où ils peuvent être entassés jusqu’à une vingtaine, à la salle de saillie, voire la salle de mise bas pour les femelles.
Nourriture avariée
L’hygiène est repoussante. Le nettoyage des boxes n’est effectué qu’une fois par semaine, à la va-vite. Résultat les sols sont couverts d’eau, de sciure, de nourriture et d’excréments mélangés. Les distributeurs de croquettes ne sont lavés qu’une fois par mois. On y retrouve des amas de nourriture collés par les moisissures avec des asticots.
Les conditions de vie dans cet environnement sont éprouvantes. La promiscuité, l’absence de toute stimulation autre que la reproduction, fait que les chiens en viennent à se battre pour s’occuper. Et pour que des beagles deviennent agressifs, il en faut beaucoup. Il s’agit d’une race de chiens particulièrement douce et gentille. C’est même pour cela qu’ils sont utilisés dans les labos. Qui dit morsure dit blessure. Les beagles souffrants ne sont pas soignés, cela coûterait trop cher, mais directement euthanasiés. Le sang ou le sérum sont ensuite revendus à des laboratoires. Il n’y a pas de petits profits.
Conditions de travail déplorables
Le personnel n’a pas son mot à dire et leurs conditions de travail ne sont pas enviables. Sous qualifiés (Jenny a été obligée de faire des piqûres alors qu’elle n’avait jamais appris), sous-payés, ils sont soumis à un travail harassant. Chaque employé doit s’occuper de 300 chiens par jour afin d’assurer la nourriture, l’entretien éventuel et les soins. Ils n’ont pas le temps de faire une caresse ou de bien s’occuper des animaux.
Mais cela n’entre pas dans les préoccupations d’Harlan, qui sont nettement plus matérielles. Il s’agit de générer des profits, donc de « coller » au plus près de la demande. Mais il est difficile de prévoir à l’avance quels vont être les besoins des laboratoires. Afin de ne pas passer à côté d’une commande juteuse, la tendance est de produire un peu plus de beagles qu’il n’en faut. En cas de « surstockage », le « surplus » est euthanasié. Vivant, il reviendrait trop cher en nourriture.
Euthanasies massives
Tous ceux dont un animal a eu une portée le savent bien, il est rare que tous les petits soient blanc-bleu. Des menus défauts peuvent survenir. Or Harlan ne fournit que du beagle pur race parfait. Donc, les chiots qui ne répondent pas à ces critères reçoivent un carton rouge. Fin de partie pour ces « produits non conformes », termes par lequels ils sont désignés. Et il y a beaucoup de « déchets ». Jenny a été témoin de 5 à 6 euthanasies dans la même journée. Une fois même le 23 juillet 1998, 29 animaux ont été tués. Au terme de ses dix mois d’enquête Jenny estime à 250 le nombre de beagles tués.
Le BUAV a la suite de cette enquête a voulu faire fermer ce centre qui viole toutes les lois anglaises concernant l’élevage et le bien-être des animaux. Mais aujourd’hui encore, cette usine à chiens continue de fonctionner.
Harlan par lui-même
Pour se faire une idée de ce qu’est Harlan, rien ne vaut de visiter son site Internet (en anglais). On y lit les tarifs hallucinants auxquels sont proposés les animaux (près de 300 euros pour un vieux rat, 1600 pour un chien) ainsi que les spécialités de la maison, dont entre autres des souris transgéniques et des rats mutants.