Avant même que se tienne à Rome du 30 août au 3 septembre dernier le septième congrès mondial sur les alternatives à l’utilisation des animaux, une polémique a vu le jour suite à des articles publiés en juillet et août dernier dans la prestigieuse revue Nature.
Les faits
Véritable référence scientifique, la revue Nature a publié le 9 juillet dernier un article dans lequel le toxicologue Thomas Hartung décrie l’aberration et la désuétude des systèmes de tests toxicologiques en vigueur. Il y relate les problèmes qu’implique l’utilisation d’animaux pour des tests toxicologiques. Le 27 août, ce dernier publie une tribune dans le même journal où il met en doute la capacité de l’Europe à atteindre les objectifs du projet Reach et prédit une augmentation hors norme du nombre d’animaux utilisés pour les futur tests de produits toxiques.
Paroles de scientifique
L’auteur, qui n’est autre que le directeur du centre John Hopkins pour des alternatives aux tests sur animaux et ancien directeur du centre européen pour la validation de méthodes alternatives (ECVAM), insiste sur le fait que les méthodes utilisées aujourd’hui dans le domaine de la toxicologie demeurent inchangées depuis près de 40 ans et nécessitent une révolution du système en place. Mais cette révolution n’est pas sans conséquences éthique et financière.
L’utilisation des animaux (enfin ?) remise en question
Alors que depuis longtemps déjà, One Voice, radicalement opposée à l’expérimentation animale, dénonce son inefficacité, l’auteur semble reposer des questions basiques à la communauté scientifique : notamment de savoir si les modèles scientifiques actuels, qui sont principalement des modèles animaux, sont réellement utiles, de combien est la marge d’erreur des expériences, si le modèle animal reflète vraiment les réactions humaines…
Selon lui, l’utilisation d’animaux a ses limites : « nous ne sommes pas des rats de 70 kg ! Nous n’assimilons ni ne métabolisons les substances de la même façon. Qui plus est, nous vivons beaucoup plus longtemps et nous sommes exposés à une multitude de facteurs environnementaux »…Un constat qui semble pourtant des plus évident !
Le projet Reach
Entré en vigueur en 2007, Reach impose à l’industrie chimique européenne de prouver que les produits commercialisés avant 1981, qui représentent encore 99 % en volume des molécules présentes sur le marché sont sûrs pour la santé humaine et l’environnement ; sous une échéance de 10 ans. Le problème réside dans le fait que « la toxicologie réglementaire n’a ni les méthodes à haut-débit ni les techniques alternatives à l’expérimentation animale pour tenir l’objectif » précise Thomas Hartung qui se base sur les 140000 substances déjà préenregistrée depuis 2008 pour subir ces tests.
Conséquences directes du projet
Même si l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) revoit les chiffres annoncés par l’auteur à la baisse, elle reconnaît qu’il faudra sacrifier 9 millions d’animaux pour l’ensemble de ces tests contrairement aux 2,6 millions avancés en 2004. L’impact économique n’est pas en reste puisque ces tests sont évalués à 1,3 milliard d’euros.
Rappelons que ces chiffres restent pourtant bien inférieurs aux 10 milliards d’euros dépensés chaque année pour les expérimentions animales à travers le monde et qui concerne plus de 100 millions d’animaux utilisés pour des tests.
Les solutions
L’alarme est ainsi donnée et l’auteur insiste sur le besoin de changer radicalement le système de tests toxicologiques sur animaux. Selon lui, depuis 20 ans, les techniques en matière de cultures cellulaires ont permis d’étudier des phénomènes biologiques in vitro. En fait la plupart des données générées par la science sont aujourd’hui originaires d’études de systèmes in vitro. Des techniques comme les cultures organotypiques, donnent aujourd’hui aux chercheurs de réels outils bien plus adaptés en structures et fonctions que le modèle animal.
Un tournant en faveur des animaux ?
Le débat est donc lancé au sein de la communauté scientifique et des autorités européennes, confortant One Voice dans son combat pour l’abolition des tests sur animaux. Car aussi différentes soient les estimations de coûts et de vies animales misent en jeu, le sombre bilan demeure l’existence un système des plus paradoxal qui, dans un objectif de réduire, à terme, le nombre d’animaux utilisé risque d’en sacrifier 54 millions !