Sans doute, mais pas sous ce nom-là. C’est un des principaux fabricants mondiaux de produits ménagers – le premier « lessivier » au monde en fait ! – mais aussi de produits cosmétiques et d’hygiène. Il y a des noms de marques que vous n’ignorez sans doute pas : Ariel, Persil, Monsieur Propre parmi leurs produits d’entretien, Max Factor, Oil of Olaz, Camay, Pantène parmi les cosmétiques et shampooings, ou encore les tampons Tampax, les garnitures périodiques Always, les couches Pampers. Ah, cette fois-ci, ça vous dit quelque chose ? Nous nous en doutions un peu car P&G, pour ces produits-là et beaucoup d’autres, moins connus ou non diffusés en France, est également un des principaux annonceurs mondiaux : quand on fait des milliards de dollars de chiffre d’affaires, on en dépense beaucoup en publicité… pour en gagner encore plus. Il paraît que c’est la loi du marché, et nous ne ferons pas de commentaires là-dessus. Par contre, il y a bien des choses à dire sur les animaux « testés » par cette grande firme américaine ayant des filiales dans 68 pays du globe. Lisez-les et faites-les connaître autour de vous – nous aussi, dans le cadre d’une campagne mondiale, nous voulons leur faire un peu de publicité!
Un passé éloquent
P&G aime bien expérimenter sur animaux, et ses actes récents le démontrent amplement. En 1987, ils combattent la proposition de certains de leurs actionnaires visant à éliminer les tests sur animaux pour tous leurs produits ménagers. Puis, en 1989, ils tentent de lancer un programme de 17,5 millions de dollars pour persuader les législateurs américains et l’ensemble du public, y compris les écoliers, que les tests aboutissant à empoisonner, aveugler, brûler, mutiler et tuer des milliers d’animaux sans défense étaient non cruels et nécessaires (mais l’intense opposition des amis des bêtes aux États-Unis réussit à faire avorter ce projet !). Enfin, en 1990, cerise sur le gateau sanglant, Procter & Gamble fait pression contre la législation visant à interdire l’atroce test de Draize (détaillé dans notre N°5 pour le dossier cosmétiques) dans l’État de Californie. Voilà clairement des gens qui pensent que l’animal est indispensable, à tel point qu’un bon nombre de tests réalisés ne sont même pas rendus obligatoires par la loi, ce qui en accentue encore l’horreur. Mais on fait faire le sale boulot par une firme spécialisée, ce qui ne change rien en matière de responsabilité.
On prend les mêmes...
Ce laboratoire qui vivisecte pour d’autres, certains de nos lecteurs le connaissent déjà de nom car nous en avons longuement parlé dans Animaction N°7 : il s’agit de HLS – Huntingdon Life Sciences. Mais nous vous y contions l’histoire d’une femme travaillant pour nos amis de la BUAV (British union for the abolition of vivisection), laquelle s’était faite embaucher dans l’énorme unité britannique et avait filmé en caméra cachée un document accablant sur la façon dont on traitait les chiens dans un labo soi-disant modèle.
Là, même histoire mais aux États-Unis : une militante du service « investigation spéciale » de PETA fut employée pendant huit mois (jusqu’en mai 1997) par l’unité américaine de HLS. Voici ce qu’elle découvrit.
Brefs instants de la vie de labo
La militante de PETA a réalisé un film qui, bien que court dans sa version montée, est insoutenable – nous en avons évidemment une copie. Nous avons choisi de vous le décrire et de n’en publier que quelques photos. Il s’agit d’expériences faites pour Procter & Gamble. Si vous êtes trop sensibles, ne lisez pas ce qui suit. Mais nous souhaitons que vous fassiez un effort quand même, pour pouvoir à votre tour en parler autour de vous.
Scène 1 : Un technicien maintient en l’air un singe sous calmant et lui administre un test tuberculinique dans la paupière. Quand on lui demande s’il peut procéder ainsi, il répond : « Non. Je ne suis pas supposé le faire, je ne l’ai pas vu faire, je ne l’ai jamais fait, on ne peut pas le prouver. »
Scène 2 : En plaçant un singe effrayé sur une table à électrocardiogramme (ECG), le technicien lui dit : « T’as pas intérêt à mordre, mon ami ! », puis lui injecte de la lotion à ECG dans la bouche avant d’y enfoncer la bouteille et de l’y laisser.
Scène 3 : Au moment où un singe est sorti de sa cage pour faire un test de pression sanguine, un premier technicien lui fait peur. Le deuxième technicien lui reproche alors cela en lui rappelant que les résultats du test seront faussés par la frayeur de l’animal.
Scène 4 : Un technicien jette violemment un singe dans une cage après l’ECG.
Scène 5 : Un technicien fait semblant de lancer avec force un singe contre une cage.
Scène 6 : Un technicien menace rudement un singe effrayé pendant l’ECG : « Tu te calmes ou je te mords la gueule ! »
Scène 7 : Le 15 janvier 1997, alors qu’un autre singe déjà effrayé est sanglé sur une table à électrocardiogramme, des techniciens s’apostrophent en criant :
• Premier technicien : « Je suis sûr que le client aimera ça ! »
• Deuxième technicien : « Ça va faire grimper ses pulsations cardiaques encore un peu. »
• Troisième technicien : « Vous pouvez vous torcher le cul avec ces données-là ! »
Scènes 8 et 9 : Des singes sont maintenus, suspendus par les aisselles avec du fil métallique pour cage, pendant qu’on leur enfonce par le nez des tubes gastriques jusqu’à l’estomac.
Scène 10 : Une nécropsie – équivalent de l’autopsie pour les animaux – est réalisée sur un singe du test pour Procter & Gamble. On ne lui a injecté que de la kétamine et de la xylazine (précisons ici que, d’après des spécialistes, c’est insuffisant pour obtenir le décès). Le technicien vérifie vaguement des signes (là aussi pas les bons !) permettant de savoir si l’animal est bien mort avant de lui ouvrir l’abdomen. Au bout de quelque temps, comme les battements de cœur s’accroissent durant la procédure, il dit: « Ce gars-là pourrait être un peu plus KO. » Mais il continue toutefois en ouvrant la cage thoracique, ce qui provoque sans doute le décès à ce moment-là.
Que faut-il en penser ?
Nous venons de faire une description relativement froide et « technique » du film. Mais nous aurions pu ajouter de nombreuses précisions assorties de commentaires. Il existe une énorme agressivité entre les singes et les animaliers ou techniciens qui les tourmentent, souvent sans motif (et vous savez ce que nous pensons du fait qu’ils puissent le faire « avec motif » soi-disant scientifiques !). On peut y voir une forme de sadisme mêlée de peur de se faire mordre, bien qu’ils soient munis d’épais gants de manipulation, remontant haut sur les bras. La façon excessive dont ils plaquent en arrière les membres des malheureux cobayes – au risque de leur faire des luxations ou autres comme le précisent des spécialistes – montre bien cette sordide atmosphère de peur haineuse. De plus, l’ambiance du labo est telle qu’un employé qui voudrait s’y prendre avec douceur s’attirerait presque des quolibets de ses collègues. D’ailleurs, le responsable du service lui-même fait quelques tièdes reproches dans une note interne du 30 janvier 1997 dont nous avons une copie.
« S’il vous plait, prenez un moment pour regarder toutes les blessures et les hématomes visibles qui proviennent de vos manipulations de singes dans les trois dernières semaines. Pensez simplement à ce que vous ressentiriez si on vous mettait dans une cage et si on vous malmenait physiquement. Est-ce que vous aimeriez-ça ? À votre avis, quelle est l’opinion de X quand elle examine ces blessures ? Quelle est l’opinion de Y quand elle lit les recommandations du vétérinaire et doit dire au client qu’un technicien a cassé la queue d’un singe ? Vous devez prendre votre temps pour les attraper, être attentifs aux endroits où se trouvent leurs petits pieds et leurs mains quand vous attirez l’animal vers l’avant de la cage. Allez-y lentement ! Ne vous pressez pas ! Parlez-leur doucement, ils aiment ça ! Soyez gentils, j’aime ça ! Avec du temps et de la patience, je sais que ces choses-là n’arriveront plus jamais, d’accord ? En avant, l’équipe ! Et merci. »
Personnellement, pour que ces choses-là n’arrivent plus jamais, nous avons une meilleure solution : bannir la vivisection. D’accord ?
Le dessus du panier ?
Mais il est aussi gravissime de constater que les animaux sont effrayés volontairement alors que le personnel est parfaitement conscient du fait que cela fausse encore un peu plus les données, ce qui indique non seulement un irrespect total de l’animal mais aussi un mépris du client final déjà vu chez HLS au Royaume-Uni (voir notre N° 7). Et pourtant nous ne sommes pas dans un labo de second ordre ou de troisième catégorie, nous sommes dans des unités appartenant à l’un des plus gros « testeurs » privés de la planète. À notre tour d’être effrayés par ces constatations, en nous demandant avec anxiété ce qui doit se passer ailleurs – là où nous n’avons pas encore pu faire entrer la moindre caméra cachée – si nous y arrivons un jour.
Nous connaissons même un certain nombre de partisans de l’expérimentation animale qui se servent habilement de cet argument fallacieux pour tenter de nous museler. D’après eux, « Mieux vaut des labos corrects et surveillés en Occident qu’une délocalisation sans contrôle au fin fond de l’Asie ou ailleurs. » En ce qui nous concerne, nous refusons d’entrer dans ce faux débat d’une sous-traitance pire que ce qui se passerait déjà « chez nous ».
Une atrocité qui en dit long
Revenons sur l’horrible scène du macaque ouvert vivant. Nos amis américains ont montré le film à de nombreux spécialistes (médecins, vétérinaires, professeurs d’universités, anthropologues…) et leurs commentaires rempliraient plusieurs pages. Voici seulement ce que dit le docteur vétérinaire Suzanne Cliver :
« Je n’ai aucun doute que le singe subissant la nécropsie était vivant et qu’il ressentait la douleur. La kétamine et la xylazine ne sont pas des produits d’euthanasie. À faible dose, ils n’induisent même pas un état d’anesthésie chirurgicale. Les mouvements des membres et les battements de cœur ne sont pas des mouvements de rigor mortis mais plutôt ceux d’un animal vivant en train de lutter.
La conduite générale des techniciens manipulant les singes a été en tous points exempte de pitié, non professionnelle, insensible et inhumaine. À aucun moment ils n’ont montré la compétence et le comportement qu’on attendrait de la part d’animaliers ou de techniciens de laboratoire entraînés et qualifiés. »
Un peu plus loin dans la nécropsie, le technicien se rend compte qu’il n’a pas utilisé les bonnes procédures pour recueillir le sang. Il est précisé également qu’il trouve des sortes de douves du foie, ce qui indique non seulement que le singe n’a pas été vermifugé, ou pas correctement, mais aussi que l’étude n’est pas scientifiquement valable pour une nouvelle raison : en toxicité, les douves ont affecté et déformé les résultats car le produit testé a été filtré par le foie (c’est un de ses principaux rôles dans la nature), mais un foie malade. Et nous ne revenons pas ici sur le fait qu’un foie de macaque ne réagit pas de la même façon qu’un foie humain – vous savez ce que nous pensons du prétendu « modèle animal ».
Si les consommateurs ne sont pas horrifiés, c’est parce que nous ne sommes pas suffisamment capables de leur montrer la sanglante réalité. Mais s’ils ont encore confiance dans tel ou tel produit, c’est bien parce qu’ils ne savent pas ce que recouvre l’expérimentation animale. Les résultats ne peuvent qu’être invalidés, avec ou sans bonnes pratiques de laboratoire. Merci à HLS et à P&G de nous l’avoir démontré – involontairement ! – encore une fois et avec une telle force.
À vous d’agir !
Manifestement, si certains produits lavent plus blanc, d’autres torturent plus rouge ! Mais, à la différence de ce qui se passe dans les pays anglo-saxons, les textes de loi français nous interdisent d’appeler au boycott de telle ou telle marque. Nous ne pouvons donc que vous laisser face à vos responsabilités de consommateurs et d’activistes de la cause animale – car c’est bien le moment d’être actif !
Et notre liste de produits cosmétiques et d’entretien non testés sur animaux est plus que jamais d’actualité. Demandez-nous la brochure avec la liste pour la distribuer autour de vous, la mettre dans votre magasin biologique, chez votre vétérinaire, dentiste, etc.
Nous vous encourageons également à écrire aux services consommateurs des grandes surfaces afin de leur demander de proposer à leur clientèle des produits d’entretien non testés sur animaux. Merci, mais attention : nous avons choisi de cibler les supermarchés « ouverts » à la cause que nous défendons, nous vous demandons donc d’être particulièrement polis et positifs dans vos courriers. C’est en les informant et en les convaincant, eux, que nous changerons les choses une bonne fois pour toutes !