Deux singes envoyés dans l’espace pour cher, et surtout pour rien !
Hélas, en dépit de tous nos efforts internationaux et après plusieurs reports, ils sont quand même partis le 24 décembre, avec des tritons, des scarabées, des serpents, des escargots, des mouches, des puces et des protozoaires. Première déception amère bien que prévue, mais suivie par le désespoir d’une médiatisation qui se fonde essentiellement sur la communication déformée des “pseudo-scientifiques”.
Soutenu par l’INSERM et par le service de santé des armées – toujours les mêmes ! – le CNES s’est vanté du retour, le 7 janvier, de deux macaques dans le cadre de Bion 11, expérience commune américano-franco-russe. À la différence des Américains, bien informés sur ce qu’ils payent (33,2 millions de dollars), le coût financier très élevé n’a toujours pas été publié en France alors que beaucoup pensent qu’il ne s’agit que d’une opération visant à faire de façon discrète des transferts de fonds vers la Russie, lieu du lancement. Mais s’il est largement contestable de satelliser la torture pour très cher, c’est encore plus inacceptable quand les résultats scientifiques annoncés sont particulièrement douteux.
On nous dit que les macaques ont une croissance beaucoup plus rapide que l’homme – c’est exact mais ça n’en fait certainement pas un meilleur “modèle”. De plus, justement, Lapik et Multik, les deux primates envoyés dans l’espace sont des adultes dont la croissance s’est déjà arrêtée. Alors ?
L’étoffe des bonimenteurs
On nous dit qu’ils sont des modèles convenables pour savoir ce qui se passe en micro-gravité et au retour sur terre après 14 jours passés dans l’espace, mais ils sont sanglés et totalement incapables de se mouvoir là-haut, première différence fondamentale. Les spationautes peuvent rester beaucoup plus longtemps – deuxième différence fondamentale – et l’ont fait maintes fois, ce qui permet de faire sur eux des tests biométriques beaucoup plus précis. De plus – troisième différence fondamentale – la dissemblance de stature et de masse entre les deux espèces, surtout une fois revenues au sol, est de nature à fausser profondément les comparaisons – qui ne sont pas raison, ici encore moins qu’ailleurs.
Enfin, pour essayer de faire croire au bon peuple qu’il va également bénéficier de retombées pour sa santé, on établit un lien douteux avec l’ostéoporose.
Comme chacun sait, ce sont les femmes qui en sont davantage frappées, et on envoie dans l’espace des singes mâles ! De plus, de nombreuses études récentes, véritablement scientifiques, elles, parce que réalisées dans un cadre clinique et non expérimental (c’est-à-dire sur des patients “naturellement” malades – rien qui soit provoqué) avec des milliers d’êtres humains, seuls modèles valables de leur propre espèce, ont apporté des éclairages multiples et passionnants sur l’ostéoporose pour un coût beaucoup moins élevé, tant financier qu’en matière de cruauté.
Sur France-Info, on nous dit dans la rubrique Info-Sciences du 9 janvier, consacrée favorablement à Bion, qu’il faudrait marcher une heure par jour “avec un cabas dans chaque main” pour lutter contre l’ostéoporose. C’est l’étrange rappel d’une relation avec l’accroissement de gravité servant à “justifier” cette série d’expériences – Bion 11 est bien la onzième du genre, rappelons-le. Mais si on le sait déjà, que veut-on de plus ?
Et surtout, on omet – point capital, vérifié, peu coûteux et sans cruauté – de nous dire que deux verres de lait de soja par jour suffisent à combattre efficacement l’ostéoporose.
Il semble bien que l’on se moque autant des patients que des contribuables, sans parler des pauvres singes martyrisés.
L’étoffe des martyrs
Parlons-en justement, One Voice au moins est là pour ça. Oublions momentanément tout ce qu’ils ont subi avant, ainsi que des dizaines voire des centaines d’autres qui n’ont pas été retenus ou n’ont pas tenu le choc. Ne parlons même pas de ce qu’ils ont vécu “entre 225 et 400 kilomètres de la terre”, sanglés à leur siège et bourrés d’électrodes ; ou lors d’un décollage (terrifiant pour eux en dépit de l’entraînement – ils pèsent à ce moment plusieurs fois leur propre poids mais n’y comprennent rien, eux, et ne sont pas volontaires, ils n’auront ni la gloire, ni un salaire à l’arrivée) et d’une rentrée très éprouvante dans l’atmosphère.
Parlons seulement de la suite. Il était prévu plusieurs mois d’examens – quelle joie !
Multik, le plus jeune de nos deux macaques a échappé à ce sort peu enviable. Il est mort 24 heures après son retour, le 8 janvier. Ce qui se passe de tout commentaire, les expérimentateurs, gênés, n’en ont d’ailleurs pas fait beaucoup. Ils ont été obligés de reconnaître les faits. Nos sources d’information étaient bien trop solides.
Si, un commentaire toutefois. Nous avons envoyé un communiqué de presse suivi d’un complément au décès de Multik, et le CNES, surpris de savoir que nous étions informés a invoqué des arguments fallacieux (comme ceux du courrier que nombre d’entre-vous ont reçu).
“Multik ne s’est pas réveillé, il n’a pas supporté l’anesthésie générale pour les prélèvements à son retour.
Faux. Multik était mourant à son retour sur terre. Trop de supplices pour son petit corps de singe de 3 ans.
« Ce n’est pas une perte, nous avons fait tous les prélèvements avant sa mort.”
Faux. Multik aurait dû subir des mois de tests auxquels il a échappé.
« C’est la première fois qu’un singe meurt dans le cadre d’un tel projet.”
Faux. Plusieurs sont morts à la préparation. Quant à ce qui s’est passé au retour sur terre des macaques des projets précédents, nous n’en savons rien, simplement car nous n’avions pas d’informateur sur place à l’époque.
Non, douze fois non, à un éventuel Bion 12, déjà prévu en août prochain pour venir un peu plus en aide au programme spatial russe (d’après le journal Le Figaro, la seule préparation coûtera 7 millions de francs, mais le coût de la mission elle-même s’élève à des dizaines – voire des centaines – de millions de francs). Nos impôts peuvent et doivent financer des vraies recherches sans animaux.
One Voice n’abandonnera pas l’étude de ce scandaleux dossier. Et devant l’horreur, le mensonge et l’indifférence, nous vous promettons de faire l’impossible pour inscrire le mot fin sur ce programme de torture.
P.S. : Ouest-France, pas vraiment critique pour cette triste réalisation internationale,nous a appris dans un article du 1er janvier que les noms de Lapik et Multik, “spécialement entraînés et choisis pour leur résistance au stress, leur adaptabilité et leur capacité à remplir calmement des tâches”, ont été retenus “suite à un concours organisé parmi des écoliers de la région”. Certains enfants dessinent avec amour des phoques et des baleines en voie de disparition – certainement pas en Russie ! – mais d’autres, avec l’innocence de la jeunesse et grâce à un bourrage de crâne, donnent des noms aux suppliciés. S’il te plaît, décime-moi un macaque…