Le docteur vétérinaire André Ménache, directeur d’Antidote Europe, explique pourquoi les résultats des expériences sur les animaux ne sont pas transposables à l’humain, ni d’une espèce animale à une autre. Le combat doit continuer pour mettre fin aux souffrances endurées par des millions d’animaux.
La vie d’un rat ou d’un chien ne vaudrait rien ?
Après avoir regardé les vidéos tournées par One Voice dans l’élevage de primates au Cambodge, il est impossible de ne pas se poser la question : est-ce vraiment nécessaire ? Je me suis posé cette question il y a 30 ans, quand j’étais jeune étudiant vétérinaire en Afrique du Sud. Bien que ma conscience me disait que les expériences sur les animaux constituent une injustice sur le plan moral, à chaque fois que je faisais face à un chercheur qui utilisait les animaux, on m’expliquait que la santé de nos enfants est plus importante que la vie d’un rat ou d’un chien. Ce chantage émotionnel m’a poussé à chercher des arguments scientifiques concernant les expériences sur les animaux.
La réponse est très simple du fait que les résultats de l’expérimentation animale ne sont pas transposables à l’humain, ni d’une espèce animale à une autre. C’est la raison pour laquelle les études de médecine vétérinaire sont difficiles : il faut traiter chaque espèce animale selon ses propres attributs anatomiques et physiologiques.
Une des plus grandes erreurs de l’histoire de la médecine
Chaque espèce animale a un patrimoine génétique unique, qui détermine la structure des protéines qui assurent les fonctions biologiques. Deux espèces différentes auront des protéines différentes, donc des fonctions biologiques modifiées.
Les expériences sur les animaux appartiennent au Moyen Age et pas au 21ème siècle. Que faire pour corriger l’une des erreurs les plus grotesques de l’histoire de la médecine ? Ce n’est pas un exploit à la portée de n’importe qui. Il faut se mobiliser sur plusieurs plans. Ce que fait One Voice en montrant ces images choquantes est essentiel pour mobiliser l’opinion publique et il faut féliciter One Voice chaleureusement.
« Il n’est pas un crime, pas un truc, pas un sale coup, pas une escroquerie, pas un vice qui ne perdure sans le secret qui l’entoure. Exposez ces faits au grand jour, décrivez-les, attaquez-les, ridiculisez-les dans la presse et tôt ou tard l’opinion publique les chassera. La publicité n’est peut-être pas la seule chose nécessaire mais c’est une chose sans laquelle toutes les autres démarches resteront vaines » (Joseph Pulitzer – traduction libre).
Des expériences remises en cause par la justice
Ce sont donc les images comme celles tournées par One Voice qui alimentent la passion de notre cause importante. D’ailleurs, selon les sondages, 80 % des citoyens de l’Union Européenne sont contre presque toutes expériences sur les primates. Mais cela ne suffit pas, comme le montre le vote au Parlement européen du 5 mai dernier. Notre cause a subi un échec important suite au vote sur la révision de la directive 86/609 concernant l’amélioration de la protection des animaux utilisés par les laboratoires.
Parfois, la solution pour corriger une injustice se trouve dans les palais de justice ! L’an dernier, plusieurs expériences sur des singes ont été remises en cause dans certains pays, notamment en Allemagne et en Suisse. En juin 2008, l’Université de Zurich annonçait que le tribunal administratif local avait déclaré illégales les expériences sur des singes Rhésus. Dans le même registre, des militants pour les droits des animaux de l’état de Brême sont parvenus à remettre en question des recherches invasives sur des primates en Allemagne. La leçon à tirer est que si nous continuons à faire des actions en justice du même genre, nous finirons par remporter une victoire.
La réglementation relative aux expériences sur les animaux de l’Union européenne, c’est-à-dire la directive 86/609/EC, n’autorise pas une expérience sur un animal si des données équivalentes peuvent être obtenues par une méthode n’utilisant pas d’animaux. Il est temps d’exploiter à fond cette avancée juridique. Affaire à suivre !
Antidote Europe est une association à but non lucratif créée par des chercheurs issus du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) œuvrant pour une meilleure prévention en matière de santé humaine.