Un rapport des Docteurs Chris Langley MA PhD et Gill Langley MA Phd MIBiol
Chapitre 1
Introduction
Les produits cosmétiques et les articles de toilette sont utilisés par des millions de gens de par le monde, et tout le monde veut qu’ils soient sans risque. Cependant, sur la manière de parvenir à ce résultat, les opinions sont très divergentes.
Certains pensent qu’il convient de soumettre des animaux tels que souris, rats, cochons d’Inde et hamsters à des tests stressants, douloureux et parfois mortels, et supposent que les résultats seront applicables aux humains. Cependant, une majorité – en France et dans d’autres pays d’Europe – s’oppose à ce que l’on fasse ainsi souffrir des animaux pour des produits qui sont par nature insignifiants et superflus.
OneVoice est opposée aux tests de produits et d’ingrédients de produits cosmétiques sur les animaux. Des résultats applicables en toute confiance au cas de l’être humain ne sauraient être obtenus à partir de tests effectués sur d’autres espèces animales, dans les conditions artificielles qui sont celles des laboratoires. Les animaux n’ont pas à souffrir à cause de la vanité humaine. Il est possible de développer des méthodes de tests substitutives fondées sur une science plus rigoureuse : certaines de ces méthodes ont déjà été mises au point et sont déjà utilisées en remplacement des tests sur les animaux. En attendant que toutes les méthodes de tests non cruelles soient disponibles, les entreprises ont la possibilité, pour développer de nouveaux produits cosmétiques, d’utiliser plus de 8.000 ingrédients déjà existants et considérés comme ne présentant pas de risque pour l’être humain.
Le présent rapport traite des problèmes que posent les tests de produits cosmétiques en France et sur la scène européenne. Au chapitre 2, nous traitons de la vision qu’a le public des tests effectués sur les animaux, telle qu’elle ressort de plusieurs sondages d’opinion. Au chapitre 3, nous expliquons la législation européenne applicable aux tests des produits cosmétiques, et notamment les changements apportés en 2003 à la Directive sur les produits cosmétiques, et nous présentons les principales organisations impliquées. Au chapitre 4, nous décrivons précisément les tests effectués sur les animaux : nous expliquons leur impact sur les animaux, et nous analysons la valeur scientifique de ces méthodes.
Au chapitre 5, nous proposons au lecteur d’aller au-delà des tests sur les animaux pour découvrir d’autres méthodes de tests utilisables aujourd’hui, des méthodes substitutives. Nous expliquons quels sont les besoins des chercheurs pour pouvoir poursuivre le développement de ces méthodes qui n’impliquent pas l’utilisation d’animaux. Nous abordons aussi les questions liées aux accords commerciaux internationaux. Au chapitre 6, nous présentons un résumé de la situation en France : nous évoquons les principaux fabricants de produits cosmétiques et nous présentons des statistiques concernant les tests menés sur des animaux en France, dans le domaine des produits cosmétiques et des articles de toilette.
Enfin, au chapitre 7, OneVoice présente ses conclusions et ses recommandations pour agir.
Chapitre 2
Les tests de produits cosmétiques et l'opinion publique
Depuis plus de 30 ans, en Europe comme aux Etats-Unis, l’utilisation des animaux pour tester les produits cosmétiques et leurs ingrédients est un important sujet de polémique.
Une forte proportion de ces tests sur les animaux sont réalisés en France, l’un des trois plus grands producteurs de cosmétiques dans le monde. Plusieurs sociétés multinationales ont leur siège en France, comme L’Oréal et Clarins, qui produisent un nombre faramineux d’articles de toilette, produits cosmétiques et autres articles dits de luxe. L’industrie des cosmétiques est une grosse affaire et ses profits sont importants, mais l’opinion publique est nettement opposée à l’idée de faire souffrir des animaux au nom de la vanité humaine.
En 1999, la British Union for the Abolition of Vivisection (BUAV) et la Royal Society for the Prevention of Cruelty to Animals ont fait procéder à un sondage d’opinion à l’échelle européenne, pour évaluer l’importance du soutien que le public accorderait à une interdiction des tests des produits cosmétiques au sein de l’Union Européenne. On a interrogé des citoyens de six pays européens. En Grande-Bretagne, 88% des citoyens étaient tout à fait partisans de mettre fin aux tests de produits cosmétiques sur les animaux. Pour la France, l’Espagne, l’Italie, l’Allemagne et la Suède, le pourcentage moyen des personnes interrogées favorables à l’interdiction des tests était de 72%.
En 2001, un deuxième sondage d’opinion a été réalisé dans ces mêmes pays de l’Union Européenne. Cette fois, il s’agissait de la vente des produits cosmétiques testés sur des animaux en Europe. Dans chacun des six pays, une majorité du public – 74% en moyenne – était favorable à une interdiction de vendre des produits cosmétiques testés sur des animaux.
En 2003, un sondage a été réalisé en France. Ipsos Opinion a interrogé, pour le compte de OneVoice, un échantillon de 1.016 personnes adultes, en France, à propos de l’utilisation des animaux dans des expérimentations et à propos de la nécessité des méthodes substitutives . Les personnes interrogées ont dû répondre à sept questions portant sur l’expérimentation animale.
Parmi les personnes interrogées, 64% désapprouvent l’utilisation d’animaux dans la recherche et les tests, tandis que 34% l’approuvent. 87% sont nettement partisans d’interdire toute recherche impliquant la souffrance des animaux, et 78% pensent que les expérimentations réalisées sur les animaux provoquent des souffrances notables. Il est intéressant de remarquer que 70% des personnes interrogées trouvent la réglementation française insuffisante et que 83% considèrent que le besoin de promulguer une loi plus stricte pour protéger les animaux lors des expérimentations est plutôt urgent ou très urgent.
Parmi les personnes interrogées, 60% sont favorables à une interdiction de tester les produits cosmétiques ou leurs ingrédients sur des animaux. 55% souhaitent aussi que l’on interdise de tester sur les animaux les substances chimiques et les produits chimiques : produits ménagers, pesticides et engrais chimiques. Il est clair que la population française n’est pas du tout indifférente à un recours inutile aux animaux pour des tests.
Une interdiction de tester sur les animaux, telle que la souhaite le public au sein de l’Union Européenne, ne suffirait pas à mettre fin à l’utilisation des animaux dans l’industrie de la ‘beauté’. Des sociétés pourraient encore pratiquer des tests sur les animaux à l’extérieur de l’Union Européenne, notamment au Japon et aux Etats-Unis, pour revendre ensuite en Europe leurs produits testés sur les animaux. Afin que cessent les tests sur les animaux, il serait nécessaire de fermer le marché à ces sociétés qui persistent à y recourir inutilement (voir chapitre 5).
Entre 1999 et 2000, OneVoice, avec l’aide de l’association britannique BUAV, a pu mener, sous une couverture, une enquête auprès d’un laboratoire français pratiquant des tests sous contrat. Les séquences vidéo réalisées ont révélé les conditions choquantes dans lesquelles étaient maintenus des chiens, des chats, des cochons d’Inde, des lapins et des hamsters.
Les sociétés clientes avaient payé pour que soient testés non seulement des ingrédients de produits cosmétiques mais aussi des produits finis. Parmi les séquences vidéo, certaines ont montré des chiens enfermés séparément dans des conditions abominables, privés de tout accessoire qui leur permettrait de se coucher et de tout élément d’environnement (le lecteur pourra trouver davantage de renseignements sur les expérimentations menées sur les chiens en France en consultant le rapport réalisé par OneVoice ). Ces chiens étaient stressés et terrorisés, et certains d’entre eux ne disposaient même pas, dans leur cage, d’un sol ferme. Les cochons d’Inde étaient soumis à des tests qui leur occasionnaient parfois des brûlures cutanées. On y utilisait des lapins, des cochons d’Inde et des hamsters pour des tests d’irritation des yeux et de la peau.
Grâce à l’opinion publique et grâce à une pression exercée sur les entreprises et sur les gouvernements, un changement est possible dans des pays européens comme la France. En fait, un tel changement s’est déjà produit : en Grande-Bretagne, par exemple, en réponse à une préoccupation massive du public, le gouvernement a mis fin, en 1997, aux tests des produits cosmétiques et de leurs ingrédients sur les animaux.
Cela fait plusieurs dizaines d’années que l’on utilise régulièrement le test oculaire de Draize pour évaluer le potentiel irritant des substances chimiques, et notamment des ingrédients des produits cosmétiques et des articles de toilette. Ce test, qui peut provoquer des douleurs et des souffrances notables, a constitué l’une des principales cibles des organisations de protection des animaux en Europe comme aux Etats-Unis. Dans le cadre de la campagne qu’il dirigeait, le regretté Henry Spira, militant des droits de l’homme et fondateur de l’Animal Rights International group, une organisation ayant son siège à New York, avait formé en 1979 une coalition pour mettre fin au test oculaire de Draize.
Cette campagne a permis une évolution radicale dans le domaine des tests d’innocuité des produits au niveau mondial. Grâce à l’action de Spira, motivé par la compassion, l’opinion publique internationale s’est fait entendre, de nouvelles directives ont vu le jour qui ont limité la gravité du test, et l’impulsion a été donnée à un effort mondial, dans le domaine de la recherche, pour trouver des alternatives à ces méthodes d’expérimentation animale, si grossières et si peu fiables. Même si le test oculaire de Draize se pratique encore pour les ingrédients des produits cosmétiques, en France notamment, le nombre de lapins utilisés a chuté considérablement, et des méthodes substitutives sont de plus en plus souvent disponibles.
Chapitre 3
La législation européenne et les principaux acteurs dans le domaine des tests de produits cosmétiques et d'articles de toilette
Au sein de l’Union Européenne, certaines catégories d’ingrédients sont spécifiquement réglementées par la Directive sur les produits cosmétiques . Il s’agit notamment des ingrédients qui sont potentiellement dangereux et qui ne sont autorisés qu’avec des restrictions : conservateurs, colorants et filtres à ultraviolets.
Cependant, un grand nombre d’ingrédients des produits cosmétiques, qui sont des substances chimiques également utilisées dans d’autres domaines (notamment pour les produits ménagers et les produits industriels), doivent normalement être soumis à une série de tests plus approfondis, définis par les Directives relatives aux substances dangereuses .
Une grande partie des tests auxquels sont soumises les substances chimiques sont réalisés sur des animaux (voir chapitre 4). L’objectif de ces tests est de repérer les dangers qu’une substance peut représenter pour la santé, pour que ces substances chimiques puissent être classées, étiquetées, manipulées et utilisées en tenant compte des risques et des dangers.
L’industrie des cosmétiques recourt aux tests sur les animaux pour trois raisons interdépendantes. Premièrement, différentes sociétés et différents fournisseurs pratiquent des tests pour trouver, parmi une série de nouveaux ingrédients éventuels, lequel est le plus sûr. Pour ce faire, la plupart de ces sociétés utilisent déjà plusieurs méthodes de tests sans animaux, ainsi que des tests sur des animaux. Deuxièmement, il existe des obligations légales : c’est pour classer les nouvelles substances en catégories sommaires en fonction de leur degré de toxicité que l’on utilise le plus couramment les tests sur les animaux. Troisièmement, certaines entreprises testent encore les produits finis sur des animaux.
On appelle produits cosmétiques les substances ou préparations destinées à entrer en contact avec diverses parties du corps humain : la peau, les cheveux, les ongles, les lèvres ou les organes sexuels externes, les dents, les gencives ou les parois internes de la bouche. Les produits cosmétiques et les articles de toilette servent à nettoyer le corps humain, à le parfumer, à en modifier l’apparence ou à en neutraliser les odeurs. Ils ne doivent pas avoir d’effet thérapeutique notable.
A l’intérieur de la Communauté européenne, aucun produit cosmétique mis sur le marché ne doit nuire à la santé humaine lorsqu’il fait l’objet d’une utilisation dans des conditions normales ou “raisonnablement prévisibles”.
Cela fait des milliers d’années que les humains utilisent des produits cosmétiques. Pendant longtemps, les ingrédients étaient d’origine végétale, animale ou minérale. Cependant, au cours des cinquante dernières années s’est développée une technologie de plus en plus sophistiquée, ce qui fait qu’aujourd’hui, un grand nombre de substances chimiques synthétiques représentent une partie fondamentale de la composition des produits cosmétiques et des articles de toilette.
Par ailleurs, ces substances chimiques entrent aussi dans la composition d’autres produits que nous utilisons tous les jours. La combinaison de plusieurs substances chimiques expose les utilisateurs de ces produits à des risques d’intoxication imprévisible. Sans compter qu’un certain nombre de produits cosmétiques font l’objet d’une utilisation sur une longue période, parfois tout au long de l’existence du consommateur. La formation de cancers et certaines perturbations de la reproduction ou de la fertilité pourraient être imputables à cette utilisation prolongée.
Les principaux aspects de la législation européenne
La Directive 76/768/EEC sur les produits cosmétiques
La Directive sur les produits cosmétiques et ses révisions successives imposent un certain nombre de règles relatives à l’innocuité des produits cosmétiques et des articles de toilette. La sixième révision concernait principalement la législation de l’Union Européenne et le marché unique. Pendant longtemps, on s’était préoccupé de la disparité de l’information requise par les Etats membres, concernant les produits, et de son impact éventuel sur les échanges commerciaux. Deux principaux éléments de la sixième révision, en particulier, ont trait aux questions d’expérimentation animale :
Premièrement, il est spécifié qu’un dossier d’information sur chaque produit doit être mis à la disposition des autorités compétentes. Deuxièmement, une interdiction de tous les produits contenant des ingrédients ou une combinaison d’ingrédients testés sur des animaux devait entrer en vigueur au 1er janvier 1998, conditionnée par le développement de méthodes substitutives.
La septième révision de la Directive 76/768/EEC de l’Union Européenne sur les produits cosmétiques a été adoptée par le Parlement européen le 15 janvier 2003 . Elle prévoit des dates limites successives pour l’interdiction de commercialiser des produits cosmétiques contenant des ingrédients testés sur des animaux, ainsi qu’une date butoir pour l’interdiction de tester sur les animaux dans les pays membres de l’Union Européenne.
La septième révision stipule qu’en 2009, dans le cadre de la Directive sur les produits cosmétiques, les ingrédients ne devront plus être testés sur des animaux dans les pays de l’Union Européenne. Et cela, quel que soit l’avancement des méthodes substitutives.
A partir de septembre 2004, dans l’Union Européenne, il sera interdit de commercialiser des produits cosmétiques contenant des ingrédients testés sur des animaux, s’il existe des méthodes substitutives validées au sein de l’Union Européenne. Cette interdiction partielle s’appliquera aux produits cosmétiques provenant du monde entier.
En 2009, une autre interdiction partielle de commercialisation, dans l’Union Européenne, concernera les ventes de produits cosmétiques contenant tout ingrédient testé sur des animaux, que des méthodes substitutives soient disponibles ou non. Cette interdiction s’appliquera aux tests quel que soit le pays dans lequel ils seraient réalisés, dans la mesure où ils seraient effectués dans le cadre de la Directive sur les produits cosmétiques (tests réalisés dans le cadre de la Directive relative aux substances dangereuses, ou en raison d’exigences de tests d’innocuité dans des pays extérieurs à l’Union Européenne qui ne seraient pas affectées par la septième révision). Les exceptions ne concernent que trois types de toxicité : la toxicité reproductive, la toxico-cinétique et la toxicité à doses répétées. Des produits cosmétiques contenant des ingrédients testés sur des animaux pour ces trois types de toxicité pourront être commercialisés jusqu’en 2013. Cependant, si, à cette date, des méthodes substitutives n’ont pas été validées, le délai pourra être encore prolongé, par voie de codécision entre les instances de l’Union Européenne.
Les Directives sur les substances dangereuses
En ce moment, la politique chimique de l’Union Européenne relative aux Directives sur les substances dangereuses fait l’objet d’une révision importante, qui doit déboucher sur une nouvelle stratégie à l’échelle européenne, et cela s’applique aux ingrédients chimiques des produits cosmétiques. Cette nouvelle politique s’appliquera aussi bien aux nouvelles substances chimiques qu’aux substances déjà existantes dont les effets nocifs n’ont pas été entièrement testés dans le passé. Dans le cadre du programme actuel, on n’a pas beaucoup cherché à remplacer les tests sur les animaux ni à en réduire le nombre. Ces tests sont réalisés principalement pour tenter d’identifier les effets sur la santé humaine.
Le système actuel n’a pas favorisé la promotion ni l’utilisation rationnelle des méthodes de tests in vitro et de la modélisation sur ordinateur pour remplacer les tests sur les animaux. Cependant, grâce à un lobbying politique et scientifique intensif de la part des associations européennes de protection des animaux, on peut espérer que la nouvelle politique de l’Union Européenne intégrera des stratégies de tests par étapes accordant la plus grande place possible aux méthodes substitutives.
La Directive 86/609/EEC relative à la protection des animaux
Le troisième type de législation de l’Union Européenne concernant les tests de produits cosmétiques est constitué par la Directive 86/609/EEC relative à la protection des animaux utilisés dans les laboratoires. Cette Directive énonce un certain nombre de principes généraux régissant l’utilisation des animaux, notamment les principes selon lesquels il convient de toujours minimiser la douleur et la détresse, et selon lesquels les animaux ne doivent pas être utilisés lorsque des méthodes substitutives sont possibles.
Les principaux acteurs de la réglementation des produits cosmétiques et des articles de toilette
La Commission européenne
Plusieurs directions générales (DG) de la Commission sont concernées par la production, l’évaluation de l’innocuité et la commercialisation des produits cosmétiques au sein de l’Union Européenne :
La DG Entreprises est compétente pour le développement des entreprises et la compétitivité au sein de l’Union Européenne.
La DG Recherche développe la politique de l’Union Européenne en matière de recherche et de technologie, et s’occupe du développement de nouvelles méthodes de tests pour l’évaluation des risques et des questions d’innocuité concernant les nouveaux produits cosmétiques et articles de toilette. Par le biais du sixième Programme cadre, des fonds seront destinés à la poursuite du développement et de la validation des méthodes de tests substitutives.
La DG Centre commun de recherche englobe, entre autres activités, les travaux de l’ECVAM : le Centre européen pour la validation des méthodes substitutives (voir ci-après).
La DG Santé et protection des consommateurs s’occupe de défendre les intérêts et la sécurité des consommateurs de l’Union Européenne. Elle est concernée par l’innocuité des produits de consommation, entre autres les produits cosmétiques et les substances chimiques.
La DG Environnement s’occupe d’éviter que les ingrédients des produits cosmétiques aient des effets destructeurs sur la nature ou qu’ils puissent dégrader l’environnement.
Le SCCNFP
Le Comité scientifique pour les produits cosmétiques et les produits non-alimentaires (SCCNFP) assiste la Commission européenne dans l’étude des problèmes scientifiques et techniques liés à l’évaluation de l’innocuité des produits cosmétiques et articles de toilette. Le SCCNFP est constitué d’experts scientifiques provenant de différents Etats membres. Il exprime des avis formels sur l’innocuité des ingrédients nouveaux ou déjà existants des produits cosmétiques, et intervient comme conseil, par exemple pour l’adaptation des méthodes de tests utilisées au progrès technologique.
Le SCCNFP joue un rôle clé dans l’évaluation de l’innocuité des ingrédients des produits cosmétiques (encours de fabrication) dont on estime qu’ils présentent un risque significatif pour la santé humaine. Il s’agit des ingrédients mentionnés dans les Annexes III, IV, VI et VII de la Directive 76/768/EEC sur les produits cosmétiques. L’Annexe III comprend les ingrédients soumis à des restrictions d’utilisation, qui peuvent être de différents types : il peut s’agir par exemple d’ingrédients de teintures de cheveux. Les Annexes IV, VI et VII comprennent respectivement les colorants, les conservateurs et les filtres à ultraviolets. Ces quatre annexes ne comprennent que quelques centaines d’ingrédients.
La majorité d’ingrédients qui restent et qui appartiennent à d’autres catégories, comme les produits décolorants, les fragrances, les détergents et autres substances chimiques, ne relèvent pas, de manière générale, de la responsabilité du SCCNFP (mais ils sont couverts par les Directives relatives aux substances dangereuses).
Le SCCNFP évalue l’innocuité des ingrédients des produits cosmétiques de la façon suivante :
1. Il analyse les diverses études présentées par l’industrie des cosmétiques, concernant les ingrédients susceptibles de présenter un danger ;
2. Il examine la littérature scientifique relative aux méthodes toxicologiques utiles pour l’évaluation de l’innocuité des ingrédients des produits cosmétiques ;
3. Il demande de nouveaux tests de toxicité (voir chapitre 4), partout où l’on soupçonne qu’un ingrédient particulier puisse représenter un nouveau danger éventuel : ce qui conduit à réévaluer l’innocuité de cet ingrédient.
Les études de toxicité constituent la première étape de l’évaluation des risques que peut présenter un ingrédient, en termes de nocivité pour les tissus, de dégradation des fonctions organiques ou de danger mortel. De manière générale, on suppose que les animaux constituent un modèle nécessaire et suffisant pour les réactions de l’organisme humain aux substances testées. Cependant, OneVoice, comme de nombreuses autres organisations, et comme certains membres de la communauté scientifique, met en doute cette hypothèse.
La France est représentée au SCCNFP, et il conviendrait qu’elle exerce son influence pour promouvoir activement la validation et l’adoption des méthodes substitutives.
L’ECVAM
Le Centre européen pour la validation des méthodes substitutives (ECVAM) fait partie du Centre commun de recherches de la Commission européenne à Ispra, en Italie. Le rôle de l’ECVAM est de superviser et /ou de mener des études de validation des méthodes destinées à remplacer ou à permettre de limiter les tests sur les animaux, pour les produits de consommation courante comme pour les produits pharmaceutiques.
L’ECVAM dispose de sa propre équipe de chercheurs, et propose aussi des contrats en externe à des laboratoires à travers l’Europe. Il n’est pas impliqué dans les premiers stades du développement en laboratoire des méthodes substitutives, mais il intervient dans le processus de validation. Ainsi, l’ECVAM dépend des chercheurs des divers pays d’Europe, de ceux des centres de recherche comme de ceux de l’industrie, pour la validation des nouvelles méthodes de tests qu’ils développent. Aux chercheurs de chacun des Etats membres incombe la responsabilité d’apporter une contribution dans ce sens.
Une fois qu’une étude de validation a été menée à bien, le Comité conseil de l’ECVAM transmet aux services de la Commission européenne un avis sur la validité de la nouvelle méthode. Si la Commission donne son accord, la nouvelle méthode doit être intégrée dans le contenu des directives de tests de l’Union Européenne.
L’OCDE
L’instance internationale qui produit les directives de tests officiellement reconnues pour les substances chimiques est l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE). L’OCDE intervient aussi comme conseil sur certaines questions, comme par exemple la manière dont les études de validation des nouvelles méthodes de tests doivent être menées.
Décider quels tests doivent être pratiqués et dans quels objectifs ne relève pas de la responsabilité principale de l’OCDE. Les Lignes directrices de tests de l’OCDE constituent des ‘recettes’ officiellement admises, qui, lorsqu’elles sont suivies, doivent garantir des résultats acceptables pour tous ses pays membres. Ce qui permet d’éviter la redondance des tests.
Les Lignes directrices de tests de l’OCDE sont souvent les mêmes que celles que contiennent les annexes relatives aux tests, dans les Directives de l’Union Européenne. Toutefois, l’Union Européenne reconnaît parfois une nouvelle méthode de test plus rapidement que l’OCDE, dont les travaux sont extrêmement lents en raison du nombre important d’Etats membres. L’OCDE procédant par consensus, il arrive qu’un accord relatif à une nouvelle technique soit retardé simplement parce qu’un Etat membre refuse de l’approuver.
En tant qu’Etat membre, la France devrait intervenir plus activement pour la promotion d’une intégration rapide des méthodes substitutives valides dans les Lignes directrices de tests de l’OCDE.
Le Parlement européen
Dans le débat sur l’abolition des tests des ingrédients et produits cosmétiques sur les animaux, le Parlement a toujours eu une position plus radicale que la Commission et le Conseil des ministres. A cet égard, lorsqu’ils expriment leur opposition morale à une pratique qui consiste à faire souffrir les animaux dans les laboratoires pour fabriquer des produits qui, dans l’ensemble, ne sont pas indispensables, les députés européens représentent bien l’opinion publique européenne.
Ainsi, par exemple, au cours de l’interminable débat sur la sixième révision de la Directive relative aux produits cosmétiques, le Parlement européen a cherché à fixer une date butoir au-delà de laquelle les nouveaux produits cosmétiques commercialisés dans l’Union Européenne ne pourraient plus avoir été testés sur des animaux, que ce soit sous forme d’ingrédients ou sous forme de produits finis. Cette échéance aurait permis de hâter le développement et la validation des méthodes substitutives de tests, le Parlement demandant que l’interdiction entre en vigueur sans considération de la disponibilité des méthodes de remplacement. Comme le Parlement s’en tenait à ce principe avec fermeté, le Conseil des ministres a dû parvenir à une décision unanime. En fin de compte, le Conseil a adopté une position morale ‘qualifiée’ en conditionnant l’interdiction en projet à la disponibilité de méthodes substitutives (pour plus de détails concernant la septième révision dont la Directive relative aux produits cosmétiques a fait récemment l’objet, voir ci-après).
Les députés français du Parlement européen devraient saisir toutes les opportunités de soutenir le projet d’interdiction relatif aux tests des ingrédients sur les animaux, et devraient également faire pression pour que l’Union Européenne consacre davantage de fonds au développement des méthodes substitutives.
La Coalition européenne pour mettre fin à l’expérimentation animale
Cette Coalition est la principale union d’associations de protection des animaux en Europe faisant campagne de façon conjointe en faveur des animaux de laboratoire. La Coalition compte des associations membres en France (OneVoice), en Allemagne, en Autriche, en Belgique, au Danemark, en Espagne, en Finlande, en Italie, au Royaume-Uni, en Suède et en Suisse, et elle compte aussi plusieurs organismes de différents pays ayant le statut d’observateurs.
Initialement constituée en 1990 pour s’opposer aux tests de produits cosmétiques sur les animaux, la Coalition poursuit aujourd’hui cette campagne en même temps que plusieurs autres. Elle a joué récemment un rôle clé dans les progrès réalisés pour parvenir à l’interdiction de tester et de commercialiser au niveau de l’Europe, prévue dans la septième révision de la Directive sur les produits cosmétiques. En 1998, la Coalition a créé le Standard sans cruauté – la seule norme internationale concernant les produits cosmétiques et articles de toilette non testés sur les animaux. Les critères du Standard sans cruauté aident les consommateurs européens à choisir des produits qui n’ont pas été testés sur les animaux et qui sont commercialisés par des entreprises ayant un souci d’éthique.
Le COLIPA
Le COLIPA est l’association européenne de l’industrie des produits cosmétiques,
de toilette et de la parfumerie : il représente l’industrie.
En réponse aux fortes pressions des consommateurs européens dans les années quatre-vingts et quatre-vingt-dix, et face à la menace d’une interdiction relative aux ingrédients testés sur les animaux, le COLIPA a lancé un projet de développement d’alternatives aux méthodes de tests sur les animaux. Les laboratoires de ses sociétés membres, à savoir L’Oréal, les Laboratoires Pierre Fabre Dermo-Cosmétique, Beiersdorf, Unilever et d’autres, ont entrepris de développer des méthodes substitutives et des études de validation.
Tout en se prononçant en faveur des méthodes substitutives, le COLIPA désapprouve l’interdiction de tester sur des animaux tant que l’on ne disposera pas de tout un ensemble de techniques substitutives. Il affirme qu’une telle interdiction compromettrait la sécurité du consommateur et entraverait l’innovation. Il existe pourtant déjà, selon la nomenclature de l’Union Européenne, quelque 8.400 ingrédients considérés comme ne présentant pas de danger, à partir desquels il est possible de créer de nouveaux produits – sans aucun risque supplémentaire pour le consommateur.
Le CEFIC
Le CEFIC est le Conseil européen de l’industrie chimique, il représente près de 40.000 entreprises chimiques de toutes les tailles réparties à travers l’Europe. Comparé au COLIPA (voir plus haut), le CEFIC n’a pas fait beaucoup d’efforts pour financer et promouvoir le développement et la validation de méthodes de tests substitutives. La situation commence seulement à changer, maintenant que l’Union Européenne propose une nouvelle politique chimique susceptible d’obliger l’industrie à financer un vaste programme de tests des substances chimiques existantes sur des animaux. Parce que ce programme représenterait un coût considérable, le CEFIC commence enfin à manifester davantage d’intérêt pour les méthodes substitutives.
Chapitre 4
Les tests des produits cosmétiques sur les animaux : une critique scientifique
Ce chapitre décrit les raisons et la manière dont chaque test sur l’animal est réalisé, ainsi que les divers objectifs relatifs à l’évaluation des ingrédients des produits cosmétiques. Nous présentons les principales critiques que suscitent ces tests, et nous précisons quels sont leurs effets sur le bien-être des animaux. Un grand nombre de tests pratiqués sur les animaux n’ont jamais été validés, et leur fiabilité n’est pas prouvée, surtout lorsqu’il s’agit de prédire des effets néfastes à long terme chez l’être humain comme les cancers ou les effets sur la reproduction.
En ce qui concerne les réactions aux substances chimiques testées, on observe à maintes reprises des différences entre les espèces : même au sein d’une seule espèce, on peut observer un certain nombre de réactions différentes en fonction de l’état de santé, de la lignée, du sexe et de l’âge de l’animal. Cette diversité des réactions possibles rend difficile l’extrapolation des résultats à l’être humain, et ce sont ces questions que nous examinons dans le présent chapitre, pour chaque test de toxicité.
En ce qui concerne les tests sur les animaux relatifs au danger éventuel de l’exposition de l’être humain à des substances chimiques, il a été affirmé que “la principale conclusion à tirer de ces considérations est que l’utilisation des animaux dans la recherche en toxicologie ne constitue pas une base fiable pour l’extrapolation à la santé humaine”.
Les tests sur les animaux
1. La toxicité aiguë
Les tests de toxicité aiguë servent à déterminer le danger éventuel que représente une exposition ponctuelle à une substances chimique ou à un produit par voie orale, cutanée ou respiratoire. Pour l’évaluation des risques de danger mortel (le caractère létal), qui fait traditionnellement partie des tests de toxicité aiguë au niveau systémique (c’est-à-dire au niveau de l’organisme tout entier), on a pris l’habitude de se fonder sur la dose de la substance chimique testée qui tue la moitié des animaux soumis aux tests : il s’agit du test DL 50. Cela fait plusieurs dizaines d’années que l’on utilise la valeur DL 50 pour classer les substances chimiques en fonction des risques de toxicité aiguë, mais aussi pour définir les doses à utiliser dans les autres tests in vivo.
Pourtant, il est aussi possible de pratiquer des tests de toxicité aiguë selon un processus n’impliquant pas la mort de l’animal. En l’occurrence, on peut tester les types de toxicité spécifiques des substances sur des organes cibles comme le foie, les reins ou le système respiratoire.
La méthode orale de test DL 50 [Ligne directrice de test 401 de l’OCDE, Directive B1 du Conseil de l’Europe], pour laquelle on utilisait entre trois et cinq groupes d’animaux avec autant de dosages, chaque groupe comprenant dix animaux, a été supprimée en 2001 et remplacée, pour des raisons de raffinement et de réduction, par les méthodes suivantes :
a. La méthode de la dose prédéterminée [OCDE 420, CE B1 bis] n’implique plus la mort de l’animal et réduit les niveaux de douleur et de détresse, et le nombre d’animaux utilisés y est plus réduit. Elle constitue donc un raffinement par rapport au test DL 50.
b. La méthode par classe de toxicité aiguë [OCDE 423, CE B1 ter] n’implique pas la détermination d’une valeur précise de la DL 50 mais consiste plutôt à tenter de trouver, pour la substance testée, une fourchette de dosages susceptibles d’entraîner la mort. Ce test implique une série de doses progressives et demande davantage de temps que le test initial de la DL 50 ou que la méthode de la dose prédéterminée. On y utilise moins d’animaux, mais ceux que l’on utilise subissent toujours le stress et la douleur.
c. La méthode de l’ajustement des doses [OCDE 425] permet de faire une estimation par intervalle de confiance de la valeur de la DL 50 et d’observer les effets toxiques. Par rapport au test initial de la DL 50, cette méthode réduit le nombre d’animaux utilisés, mais là encore, des effets néfastes, des dommages et la mort sont le lot des animaux qui subissent le test.
Le test DL 50 est encore utilisé pour l’évaluation de la toxicité des substances chimiques par voie cutanée ou par inhalation (contrairement à la méthode orale de test), y compris pour tester les ingrédients des produits cosmétiques.
On utilise généralement des rats, encore que les tests de toxicité aiguë par voie cutanée se pratiquent aussi sur des lapins. On applique une dose pour chaque groupe, et on utilise au moins cinq animaux par groupe de test et par groupe de contrôle (les animaux du groupe de contrôle reçoivent non pas la substance à tester mais un produit anodin). Quatorze jours d’observation constituent la norme, et l’on fait jeûner les animaux avant de leur faire ingérer par voie orale la substance à tester. A la fin de la période de test, on autopsie tous les animaux pour voir si le test a provoqué d’éventuels dégâts. Toute réaction spécifique au sexe des animaux est notée. Dans les expérimentations par inhalation, on utilise 10 animaux (cinq de chaque sexe) pour chaque degré de concentration de la substance à tester.
Principales critiques :
– Les facteurs immunitaires, physiologiques, génétiques, sexuels et autres indicateurs de l’état de santé exercent une influence sur la validité des résultats des tests. Par ailleurs, le fait que dans le laboratoire, les animaux soient exposés à d’autres substances chimiques constitue un facteur de variabilité des résultats.
– Il existe plusieurs différences significatives entre les espèces, en ce qui concerne le rôle des organes et des sites d’absorption, d’accumulation et d’élimination des substances toxiques dans l’organisme. Entre deux espèces distinctes, on observe des différences au niveau du type et de la quantité des enzymes P450 (dans le foie). Chez les animaux subissant les tests, les reins éliminent aussi les substances de l’organisme, mais de manière différente et selon des taux différents de ce qu’on peut observer chez l’être humain .
– Le délai d’élimination et le délai d’accumulation, pour une quelconque substance donnée, varient à la fois d’une espèce à une autre et d’une lignée à une autre au sein de la même espèce.
Les conditions de captivité des animaux sont souvent mauvaises. Des animaux angoissés et stressés ne sauraient constituer des sujets de test fiables.
2. L’absorption par voie cutanée
L’absorption par voie cutanée est définie comme le passage dans la circulation sanguine, à travers la peau, d’une substance appliquée sur la peau : il peut en être ainsi, par exemple, d’un ingrédient d’une crème hydratante. La manière dont une substance chimique traverse la peau dépend d’un certain nombre de facteurs, comme la surface d’étalement ou les caractéristiques chimiques de l’ingrédient qui fait l’objet de l’évaluation, ou comme la structure anatomique de la peau.
En principe, le SCCNFP accepte toute méthode scientifiquement validée, aussi bien les études dermatologiques in vitro chez l’homme que les tests in vivo, lorsqu’il s’agit d’évaluer l’absorption par voie cutanée d’un nouvel ingrédient pour un produit cosmétique. Pour tout nouvel ingrédient soumis à l’approbation du SCCNFP pour être ensuite inclus dans les Annexes de la Directive 76/768/EEC, il est nécessaire de présenter des statistiques d’absorption qui soient relatives à l’être humain.
Dans le passé, on utilisait un certain nombre d’espèces animales pour obtenir des informations sur le passage des substances chimiques à travers la peau et sur leur diffusion subséquente dans l’organisme. Actuellement, ce sont le plus souvent des rats qui sont utilisés . Après administration de la substance à tester, on tue les rats, et l’on estime la quantité de substance absorbée. Pourtant, maintenant que l’OCDE a accepté une méthode de test en éprouvette (voir chapitre 5), on ne devrait théoriquement plus procéder à des expérimentations sur les rats dans l’Union Européenne.
Principales critiques :
– Il existe un certain nombre de différences significatives entre la peau du rat et la peau de l’être humain, notamment en ce qui concerne la structure du revêtement cutané et la structure pileuse. Les tests sur les rats aboutissent invariablement à surestimer la pénétration cutanée chez l’être humain.
3. Le caractère corrosif et irritant pour la peau
Cela fait un grand nombre d’années que l’on recourt aux tests de corrosion cutanée sur les animaux pour évaluer dans quelle mesure une substance peut provoquer des dégâts profonds et irréversibles au niveau de la peau. Ces dégâts se manifestent par la mort visible des tissus (nécrose), depuis les différentes couches de l’épiderme jusqu’au derme et même jusqu’aux couches musculaires. Les symptômes de la corrosion peuvent s’observer après un temps d’application de la substance testée qui dure généralement quatre heures. Les produits cosmétiques ne sont pas censés pouvoir occasionner de tels dégâts, mais certaines substances qui sont corrosives – comme les alcalis – entrent dans la composition des produits cosmétiques, en particulier des savons et des démaquillants. Leur potentiel corrosif est fonction de leur concentration dans le produit fini, des autres ingrédients chimiques ‘neutralisants’, du mode d’exposition et d’autres facteurs similaires.
Les tests de corrosion provoquent chez les animaux des douleurs et des souffrances importantes, et beaucoup de stress. Il ne sont plus autorisés en Europe, puisque des méthodes in vitro approuvées par l’OCDE sont disponibles. Les tests de corrosion in vitro figurent maintenant aussi bien dans les Directives de l’Union Européenne que dans les Lignes directrices de l’OCDE [respectivement B40, TG430 et TG431].
Les tests d’irritation de la peau ont été développés pour déterminer dans quelle mesure des substances peuvent provoquer, au niveau de la peau, des dégâts réversibles tels que gonflements et inflammations, en général après une application unique.
Le plus souvent, on utilise des lapins albinos. On applique une dose unique sur une zone rasée, et une autre zone rasée mais non traitée, située à proximité, sert de zone témoin. L’évaluation du potentiel irritant se fait en comparant l’apparence de la zone traitée à celle de la zone non traitée.
Pour chaque substance à tester, on utilise trois lapins, et l’exposition à la substance dure généralement quatre heures.
Principales critiques :
– Les caractéristiques immunitaires, physiologiques et génétiques diffèrent selon les animaux, ce qui entraîne des variations au niveau de leurs réactions aux substances chimiques potentiellement dangereuses. On peut donc très difficilement prédire l’effet de ces mêmes substances chez l’être humain.
– Il existe des différences d’anatomie et de structure de la peau entre les espèces soumises aux tests et l’être humain : il est donc plutôt hasardeux de se livrer même à une simple extrapolation aux réactions probables chez l’être humain.
– Les animaux ont tendance à présenter des réactions différentes à la même substance chimique testée, en fonction de leur âge.
– Il est notoire que le lapin, qui est l’animal communément utilisé pour les tests d’irritation, ne convient pas pour prédire valablement l’irritation de la peau chez l’être humain .
Enfin, des substances qui provoquent des irritations entraînent divers degrés de douleur, de gêne et d’anxiété chez les animaux soumis aux tests.
4. Irritation oculaire
Les tests d’irritation oculaire ont été développés pour évaluer dans quelle mesure des substances provoquent des rougeurs, des gonflements ou une dilatation de l’œil. Les symptômes observables sont les suintements, le gonflement de l’iris et de la paupière, ou bien l’ulcération ou l’opacité de la cornée après une application unique.
Les Lignes directrices de l’OCDE mentionnent dorénavant la sélection préalable, sans utilisation d’animaux, des ingrédients des cosmétiques, notamment ceux que l’on sait être fortement alcalins ou acides, avant toute procédure de test d’irritation oculaire sur des animaux. Lorsque l’on recourt à ce type d’expérimentation animale, on utilise des lapins albinos adultes, à raison de trois par test.
Les effets d’une dose unique font l’objet d’une observation sur 21 jours. L’autre œil, qui ne reçoit pas l’application, sert pour le contrôle. Dans la plupart des cas, on n’utilise aucun produit anesthésique : on n’y recourt que lorsque l’on considère que la douleur pouvant résulter du test serait considérable. Pour évaluer les niveaux d’irritation, on utilise un guide standard illustré. Il est évident que la douleur, la gêne et le stress font toujours partie des réactions aux ingrédients cosmétiques nocifs.
Principales critiques :
– Entre le lapin et l’être humain, il existe de nettes différences au niveau de la structure de la cornée. L’épaisseur moyenne de la cornée est de 0,37 mm chez le lapin, contre environ 0,51 mm chez l’être humain. Par ailleurs, chez le lapin, la cornée recouvre 25 % de la surface oculaire, à comparer avec 7 % seulement chez l’être humain.
– Le volume lacrymal est moindre chez le lapin que chez l’être humain. Cela signifie que chez le lapin, toute substance introduite sur l’œil y demeurera plus longtemps, et aura donc probablement un effet plus marqué que ce que l’on aurait observé chez l’être humain.
– La comparaison quantitative et l’évaluation de dégâts quelconques résultant de l’administration d’une substance sont très subjectives, comme l’indique le fait qu’entre deux laboratoires et au sein d’un même laboratoire, on observe à cet égard des différences significatives. Le Dr D. Swanston de Porton Down, un important centre de recherches en toxicologie au Royaume-Uni, a déclaré : “…on n’a trouvé aucune espèce animale qui puisse constituer un modèle exact de l’œil humain, que ce soit du point de vue anatomique ou du point de vue des réactions à l’irritation”.
5. Sensibilisation cutanée (réaction allergique) et photosensibilisation
Le test de sensibilisation vise à évaluer la capacité d’une substance à provoquer une réaction allergique de la peau – une dermite allergique du contact.
Pour la plupart des substances chimiques, l’Union Européenne et l’OCDE ont récemment agréé une méthode moins cruelle que le test traditionnellement effectué sur des cochons d’Inde. Il s’agit du test LLNA (Local lymph node assay), une méthode préconisée dans le cadre du raffinement et de la réduction de l’expérimentation animale, qui consiste à utiliser des souris pour évaluer la sensibilisation [OCDE 429]. Cette méthode est fondée sur la mesure des réactions spécifiques (prolifération cellulaire) induites dans les nodules lymphatiques qui drainent la zone sur laquelle la substance chimique est appliquée . Les substances chimiques qui sensibilisent la peau entraînent un net regain de l’activité des nodules lymphatiques adjacents.
On utilise des souris, et l’essai consiste à mesurer le déclenchement, chez l’animal, d’une réaction immunitaire à trois applications quotidiennes, sur la surface de l’oreille, de la substance chimique à tester. On utilise des lignées standard de souris, et l’on applique trois doses différentes. Les souris sont tuées au bout de cinq jours, et l’on procède à l’examen de leurs nodules lymphatiques et de leurs globules sanguins. La méthode LLNA permet d’utiliser moins d’animaux, et entraîne probablement moins de souffrances que les méthodes jusqu’alors largement utilisées, celles présentées plus loin.
Jusqu’à récemment, et c’est encore le cas pour certaines substances chimiques, on pratiquait les tests traditionnels de sensibilisation sur des cochons d’Inde : deux méthodes étaient communément utilisées [OCDE 406, CE B6].
a. Le test de maximisation sur le cochon d’Inde de Magnusson et Kligman (GPMT), dans lequel on utilise un adjuvant – une substance qui accentue la réaction immunitaire mais qui entraîne aussi davantage de douleur.
b. Le test de Buehler, qui est un test sans adjuvant (et avec lequel la sensibilisation est moindre).
Pour ces deux tests, on utilise le plus souvent des cochons d’Inde albinos. La substance est administrée sur la peau rasée, au niveau de l’épaule, soit par application soit par injection. On utilise au minimum 10 animaux pour chaque groupe de test et cinq comme groupe témoin. Si la réaction initiale prête à équivoque, on procède à des tests supplémentaires sur des groupes d’effectifs plus élevés (20 individus). On applique des doses multiples pour provoquer des réactions allergiques locales.
Principales critiques :
– L’interprétation des tests réalisés sur les cochons d’Inde est très subjective, et leur reproductibilité est mauvaise.
– On applique la substance à tester sur une zone rasée, ce qui ne correspond pas aux conditions normales dans lesquelles sont utilisés, chez l’être humain, un grand nombre de produits cosmétiques de diverses sortes (à l’exception de certains produits comme les après-rasage et certains baumes).
– La peau des animaux utilisés (souris ou cochon d’Inde) n’a pas la même structure que la peau humaine.
– Les réactions de sensibilisation dépendent des caractéristiques immunitaires, physiologiques et génétiques des animaux utilisés.
– L’utilisation de doses importantes d’une substance chimique à tester, surtout par voie d’injection, ne ressemble pas aux conditions dans lesquelles les allergies sont provoquées chez l’être humain.
– Rien ne peut véritablement laisser penser que l’importance de l’effet d’une substance chimique chez le cochon d’Inde permet de prédire l’importance de ses effets chez l’être humain.
6. Toxicité sub-chronique
La toxicité chronique résulte de l’administration répétée ou progressive d’une substance nocive pour les cellules, les tissus ou les organes. Les études concernent plus particulièrement les ingrédients des produits cosmétiques, les études de toxicité subaiguë (28 jours) et sub-chronique (90 jours) à doses répétées par voie orale et cutanée.
Dans le domaine de la toxicité sur l’ensemble de l’organisme, les tests sur longue durée les plus couramment pratiqués sont les tests de toxicité orale sur 28 jours et sur 90 jours chez les rongeurs. La plus forte dose administrée vise à provoquer des effets toxiques, avec la douleur et la souffrance que cela peut entraîner, mais pas à provoquer la mort. Une fois le test effectué, on tue les animaux et on recherche les éventuelles lésions organiques et autres effets indésirables.
Dans le développement des ingrédients de produits cosmétiques ayant un impact biologique spécifique et devant entrer en contact avec l’épiderme humain pendant des périodes prolongées, les tests de toxicité visent notamment à évaluer l’effet de ces ingrédients sur l’ensemble de l’organisme.
Pour les tests sur 28 jours, l’espèce la plus souvent utilisée est le rat, même si l’on utilise aussi, pour les tests dermatologiques à doses répétées, des cochons d’Inde ou des lapins. Chaque dose est administrée à dix animaux, et le groupe témoin comprend dix animaux également. La substance chimique à tester est administrée de façon quotidienne par voie cutanée ou orale ou par inhalation, puis on tue les animaux et l’on procède à un examen pathologique et biochimique.
Pour les tests sur 90 jours, on utilise aussi des rats. Quarante animaux subissent le test, et le groupe témoin comprend quarante animaux également. Pour chaque groupe, on applique trois doses. L’administration de la substance se fait le plus souvent par voie orale ou par inhalation.
Principales critiques :
– Des espèces différentes absorbent, métabolisent et excrètent les substances chimiques de différentes manières et selon des taux différents, ce qui rend problématique l’extrapolation des rongeurs à l’être humain.
– Les réactions pharmacologiques et biochimiques varient selon les espèces, et l’on constate même des disparités entre des lignées différentes de rats .
– Les caractéristiques physiologiques et immunitaires et le régime alimentaire des animaux utilisés peuvent affecter l’interprétation des résultats des tests.
– Passer d’animaux petits, dont la durée de vie est réduite, comme les rats, à l’être humain dont la taille est bien plus grande et qui vit nettement plus longtemps, est toujours difficile. On tente souvent d’y parvenir par des calculs dans lesquels on met la dose en relation avec la masse corporelle, mais on n’obtient ainsi que des estimations ‘à vue de nez’.
– Pour déterminer la dose toxique à long terme, la manière dont le sujet est exposé à la substance est fondamentale. Ainsi, par exemple, il est rare qu’un être humain reçoive des doses identiques d’un ingrédient de produit cosmétique de façon répétée, par voie orale, sur une période prolongée. Pourtant, c’est ainsi que se pratiquent un grand nombre de tests sur les animaux.
– Dans les études à long terme, définir les objectifs pertinents et la manière de les évaluer n’est pas sans poser des problèmes .
L’impact des tests sur les animaux comprend un certain nombre des effets répertoriés sous le titre de la toxicité aiguë : douleur, angoisse, mal-être et sentiments de nausée, agitation et autres symptômes cliniques éventuellement plus discrets. Parfois, les animaux en meurent, et ils peuvent avoir été, au préalable, en proie à des crises, à des altérations du comportement, à des vomissements, à des suintements de la bouche ou de l’anus, ou à des pertes de conscience.
7. Propriétés mutagènes et toxicité génétique
Les substances mutagènes sont des substances qui font augmenter le taux des variations génétiques (mutations) dans les gènes ou les chromosomes. Les mutations se produisent spontanément dans n’importe quelle population, et les substances mutagènes entraînent une augmentation du nombre de ces altérations. Dans certains cas, les mutations sont les premières étapes de la formation d’un cancer.
La toxicité génétique est une notion plus large, qui fait référence à la capacité d’une substance chimique à interagir de différentes manières possibles avec l’ADN et /ou d’autres parties du noyau cellulaire.
Plusieurs tests de toxicité génétique in vitro sont utilisables. Le SCCNFP considère que l’association de deux tests in vitro est généralement suffisante pour déterminer le potentiel mutagène et /ou génotoxique d’une substance spécifique. En fonction des résultats de ces tests, le SCCNFP demandera éventuellement que soient effectués d’autres tests in vitro ou in vivo.
Les tests des propriétés mutagènes et de la toxicité génétique sur les animaux :
En principe, les tests des propriétés mutagènes et de la toxicité génétique permettent de procéder à une évaluation indirecte des effets toxiques sur les globules sanguins et sur leurs gènes, dans la moelle osseuse. Deux techniques sont communément utilisées :
a. Le test cytogénétique in vivo sur la moelle osseuse des mammifères
Le principe de ce test est que les globules sanguins qui ont une activité de division dans la moelle osseuse sont particulièrement sensibles aux effets des substances mutagènes /génotoxines. Les animaux utilisés sont généralement des rongeurs : rats, souris ou hamsters chinois. On administre la substance à tester à dix animaux (cinq de chaque sexe), soit par voie orale soit par injection dans la cavité abdominale. Pour chaque substance à tester et pour chaque dose, on utilise deux groupes témoins. On administre des doses simples ou multiples, et l’on procède 48 heures plus tard à un échantillonnage de la moelle osseuse. Les préparations de globules sanguins sont examinées au microscope pour déterminer les effets sur le noyau cellulaire.
b. Le test des micronucleus
Pour ce test concernant les effets mutagènes /génotoxiques, la technique générale et les effectifs échantillonnés sont les mêmes que pour [a], ci-dessus, mais on estime l’effet de la substance en observant un autre aspect des globules sanguins. Une augmentation du nombre de cellules présentant une dégradation du noyau (correspondant à la formation de micronucleus) indique que la substance est nocive pour les gènes. On utilise généralement des souris.
Principales critiques :
– Un certain nombre des critiques générales que l’on peut faire à propos des tests de toxicité s’appliquent à ces tests, surtout en ce qui concerne le rôle du système immunitaire et la susceptibilité génétique des espèces et des lignées animales.
– Souvent, on ne peut pas savoir précisément si la substance testée atteint véritablement la moelle osseuse : aussi risque-t-on d’avoir des « faux négatifs » .
– En raison des difficultés possibles de pénétration de la substance testée dans la moelle osseuse, on recourt à des doses massives. Cela rend l’extrapolation à l’être humain douteuse, car il est rare qu’un être humain se trouve exposé à des doses massives d’ingrédients de produits cosmétiques.
– L’injection dans la cavité abdominale des substances à tester n’est pas un mode d’administration approprié pour les ingrédients de produits cosmétiques.
– Les tests sont limités à l’étude d’un effet sur certains tissus seulement, et à une série restreinte d’objectifs .
Un certain nombre des critiques que l’on peut formuler à propos des tests relatifs aux effets carcinogènes (voir [13], plus loin) s’appliquent aussi à l’évaluation des effets mutagènes et des effets génotoxiques chez les animaux. Les enzymes de réparation et le rôle des molécules ‘ramasseuses’, chez les animaux et les humains, varient considérablement, et cela ne peut être sans conséquences.
8. Photo-irritabilité et photo-toxicité
Dans ce domaine, il n’existe pas de tests sur animaux validés. La méthode in vitro est la méthode de choix : il s’agit ici du test de photo-toxicité 3T3 de captation du rouge neutre (voir chapitre 5).
9. Effet photo-mutagène et photo-génotoxicité
On dispose d’un certain nombre de méthodes in vitro pour évaluer les effets mutagènes et génétiques induits par les rayons lumineux : les essais de mutation des bactéries et des levures, les tests de détection de la clastogénicité et les tests concernant les mutations génétiques dans les systèmes cellulaires in vitro des mammifères.
10. Statistiques concernant l’être humain
Les études menées dans le respect d’une éthique sur des volontaires humains pleinement informés sont une chose assez courante dans le domaine des tests des produits finis, mais bien moins courante lorsqu’il s’agit de tester les ingrédients. On peut citer en exemple les tests d’irritation cutanée et les tests de sensibilisation cutanée sur des volontaires. Des résultats de tests préalables sur des animaux ou de tests de toxicité in vitro peuvent servir à garantir la sécurité des volontaires.
Les aspects éthiques et pratiques du recours aux volontaires humains dans les études d’évaluation de l’innocuité sont traités dans les directives du SCCNFP .
11. La toxico-cinétique
Les tests de cinétique de la toxicité sont conçus pour suivre les délais d’absorption, de diffusion, de métabolisme et d’excrétion des substances et leurs effets toxiques. Les doses dont soit simples soit multiples.
On utilise souvent des rongeurs. Chaque groupe de dosage est constitué de quatre animaux, et l’administration se fait par voie orale, par inhalation ou par voie cutanée. On suit les délais de diffusion, d’excrétion et de métabolisme. Les animaux sont tués puis sont examinés pour observer l’accumulation de la substance à tester dans les organes cibles à différentes dates postérieures au début de l’administration.
Principales critiques :
– On retrouve ici les difficultés habituelles, liées à la spécificité des espèces et des lignées, que soulève l’interprétation du caractère transposable à l’être humain des statistiques obtenues sur des animaux.
– L’élimination des substances toxiques peut suivre chez l’être humain des chemins différents de ceux suivis chez les rongeurs et autres espèces soumises aux tests.
– De même, les taux de désintoxication et d’élimination subséquente sont fonction de l’espèce et de la lignée, et tenter d’extrapoler les résultats à d’autres espèces soulève de sérieux problèmes.
12. Le métabolisme
Après absorption dans la circulation sanguine, le devenir d’une substance dans l’organisme dépend dans une large mesure de son métabolisme, principalement au niveau du foie. Certaines substances chimiques sont rendues inactives lors du métabolisme, tandis que d’autres peuvent être métabolisées en composants toxiques et stockées dans diverses parties de l’organisme ou bien excrétées. Ce n’est que dans certains cas particuliers que le SCCNFP demande que des études sur les animaux ou in vitro soient effectuées pour évaluer les éventuels effets métaboliques négatifs.
Les tests de métabolisme sont réalisés de manière similaire aux tests de cinétique de la toxicité (voir [11] ci-dessus), et les mêmes critiques, en matière de pertinence et d’extrapolation, peuvent leur être appliquées.
13. Effets tératogènes, toxicité reproductive et effets carcinogènes
Les tests d’effets tératogènes
Un certain nombre de substances chimiques sont connues pour exercer une influence sur le développement du fœtus au cours de la grossesse, le résultat final étant soit des malformations corporelles soit la mort du fœtus. Ce processus est appelé la tératogenèse.
Le test pour évaluer les éventuelles propriétés tératogènes consiste à administrer une certaine dose à des femelles pleines pendant la période de formation des organes de l’embryon en cours de développement. On tente d’évaluer dans quelle mesure une substance provoque des malformations chez l’embryon.
On a pris l’habitude d’utiliser des rats, des souris, des hamsters et des lapins – le plus souvent, des lapins et des rats. Les tests sont normalement pratiqués sur 20 femelles de rongeur ou sur 12 lapines pour chaque dosage, avec des groupes témoins d’effectif identique.
On définit trois niveaux de dosage, le plus élevé étant suffisant pour entraîner des effets mineurs chez la mère (par exemple une perte de poids). Les substances à tester sont généralement administrées par voie orale, puis on tue le embryons et on les examine pour rechercher les éventuelles traces d’altération anatomique induite par la toxicité.
Principales critiques :
– Les tests sont conçus pour caractériser les effets flagrants de l’administration des substances chimiques : des dégâts plus discrets risquent fort de passer inaperçus.
– Il existe des différences significatives en ce qui concerne les possibilités de traversée du placenta par les substances chimiques, en fonction de l’espèce.
– Ce test coûte du temps et de l’argent.
– Des problèmes se posent quant à la possibilité de transposer les résultats à l’homme, surtout lorsque l’on utilise des lignées animales génétiquement constantes – alors que les êtres humains présentent une grande diversité génétique.
– Les animaux sur lesquels les tests sont effectués ont des durées de vie bien plus courtes que celle de l’être humain, ce qui entraîne des difficultés de transposition.
Les tests de toxicité reproductive
Les tests de toxicité reproductive visent à déterminer quels ingrédients de produits cosmétiques sont susceptibles d’avoir un impact sur la capacité reproductive. On administre diverses doses à des animaux mâles et femelles au cours de leurs cycles reproductifs (c’est-à-dire au cours de la formation du sperme et de l’absorption chez le mâle, et au cours de deux cycles œstraux chez la femelle).
C’est la voie orale qui est le plus souvent choisie, et les doses sont administrées quotidiennement, à des groupes de rats ou de souris en général. On évalue les effets sur la fertilité, sur la grossesse et sur le comportement maternel (nourrissage et construction du nid par exemple).
Principales critiques :
– Le système reproductif des rongeurs et leurs cycles sont très différents de ceux de l’être humain, et les réactions aux substances chimiques d’organes tels que les testicules et les ovaires peuvent varier d’une espèce à une autre, et d’une espèce animale à l’espèce humaine.
– L’influence des facteurs immunitaires et physiologiques et du régime alimentaire sur les résultats n’est pas sans poser problème, comme nous l’avons vu au cours des sections précédentes.
– La constitution génétique affecte en profondeur la toxicité reproductive d’un grand nombre de substances chimiques, avec des différences selon qu’il s’agisse de l’être humain ou d’autres animaux.
Les tests de carcinogenèse
Ces tests se pratiquent sur de jeunes rats ou de jeunes souris, l’administration de la substance se faisant très tôt après le sevrage. Le mode d’administration usuel est par voie orale, mais il est possible aussi d’étendre les substances sur la peau ou d’opter pour l’inhalation. Le choix se fait en tentant d’imiter la manière dont l’être humain peut se trouver exposé à l’ingrédient en question. On teste généralement trois doses en utilisant au moins 100 animaux pour chaque, avec un groupe témoin constitué de 100 animaux également.
La mesure du résultat se fait par prélèvement sanguin, par pesage et par examen de l’apparence pathologique, des tissus et des organes pour détecter d’éventuels cancers. Ces tests sont coûteux, et leur délai de réalisation est de cinq ans.
Chez l’être humain comme chez les animaux, les tumeurs peuvent apparaître par suite d’un certain nombre d’événements, l’exposition à une substance chimique unique n’étant qu’un de ces événements possibles – et ce fait n’est pas pris en compte lorsque sont effectués des tests sur des animaux.
Principales critiques :
– Les tests d’effets carcinogènes sur les animaux sont très peu reproductibles, et les résultats varient d’une espèce à une autre, y compris entre la souris et le rat.
– Les taux de métabolisme varient avec la taille de l’animal : ainsi, par exemple, le rat et la souris sont des espèces présentant des taux de métabolisme élevés comparativement à l’être humain, et leurs réactions aux substances cancérigènes peuvent ne pas être les mêmes que chez l’être humain.
– Un certain nombre de substances chimiques jouant le rôle de ‘collecteurs’ naturels peuvent être présentes chez les animaux : elles interviennent pour éliminer les molécules potentiellement nocives. Les taux d’élimination par l’action de l’un de ces ‘collecteurs’ (le glutathione) sont variables entre des espèces différentes, ce qui rend les comparaisons difficiles .
– On sait que la mutagenèse (altération génétique) et la carcinogenèse sont en relation avec les effets d’une forme d’oxygène très active qui peut détériorer l’ADN. Or, chez les animaux utilisés pour évaluer les propriétés carcinogènes et mutagènes, les mécanismes de réparation de l’ADN sont souvent considérablement moins développés que chez l’être humain . Par conséquent, il n’est pas surprenant de constater que les petits rongeurs développent des cancers plus facilement que l’être humain , ce qui fait de l’extrapolation à l’être humain une affaire de supposition hasardeuse .
– Il existe entre l’être humain et les rongeurs des différences au niveau des principales enzymes hépatiques qui métabolisent les substances pharmaceutiques, comme le cytochrome P450s, ce qui n’est pas sans influence sur les résultats des tests. Par ailleurs, les types de P450s observables chez l’être humain dépendent du régime alimentaire, de la constitution génétique, ainsi que du tabagisme et de la consommation d’alcool et de l’exposition à la pollution de l’environnement . Il n’est pas possible de modéliser des effets aussi complexes sur des animaux de laboratoire.
OneVoice condamne les tests d’ingrédients de produits cosmétiques sur les animaux en raison des souffrances que ces tests entraînent. Qui plus est, les résultats des tests effectués sur des animaux sont souvent inapplicables à l’être humain, en raison des différences entre les espèces et aussi parce que ces tests sont mal conçus. Ce qui signifie que la sécurité des consommateurs peut être compromise par certains ingrédients qui auront semblé anodins chez des animaux tels que les rats, les souris ou les lapins.
Chapitre 5
Voir plus loin que les tests sur les animaux : développer et utiliser des méthodes substitutives
Il est largement admis dans toute l’Europe que les tests de produits cosmétiques et d’ingrédients sur les animaux doivent cesser, mais tout le monde ne s’accorde pas sur la manière de mettre fin à ces tests, ni sur le calendrier.
Le COLIPA, l’association européenne de l’industrie des produits cosmétiques,
de toilette et de la parfumerie, déclare que “c’est la fin des tests des produits finis sur les animaux” . Cependant, lors d’une enquête réalisée sous une couverture auprès d’un laboratoire français entre 1999 et 2000, OneVoice a découvert des preuves troublantes du contraire. Il s’est avéré que ce laboratoire, qui pratiquait des tests sous contrat, testait des produits cosmétiques finis tels que crèmes et laits hydratants sur des animaux (voir chapitre 2).
Une approche éthique
Pour le Parlement européen et l’opinion publique européenne, l’expérimentation animale pour tester des produits cosmétiques est moralement inacceptable et devrait cesser – qu’il existe ou non, à l’heure actuelle, suffisamment de méthodes de remplacement. OneVoice et la Coalition européenne pour mettre fin à l’expérimentation animale partagent ce point de vue.
Il s’agit d’une approche pragmatique, car la liste des ingrédients cosmétiques répertoriés au niveau de l’Union Européenne comprend déjà 8.400 substances qui ont derrière elles un long historique d’utilisation dans l’industrie des cosmétiques, et qui sont généralement admises comme ne présentant pas de risques. De nouvelles combinaisons de ces ingrédients existants pourraient permettre de développer des milliers de nouveaux produits sans compromettre la sécurité des consommateurs : il s’agit là d’une des préoccupations essentielles de la DG Santé et protection des consommateurs de la Commission européenne.
En fait, la Grande-Bretagne et les Pays-Bas ont déjà mis fin aux tests de produits cosmétiques et d’ingrédients cosmétiques sur les animaux, et l’Autriche et l’Allemagne les ont partiellement interdits.
Le COLIPA s’élève contre cette approche éthique, et préfère n’appuyer l’arrêt des tests sur les animaux que lorsqu’ils peuvent être remplacés par des méthodes substitutives validées. Bien sûr, la Directive 86/609/EEC qui protège les animaux de laboratoire ne permet pas que des tests soient effectués sur les animaux lorsque l’on dispose de méthodes substitutives. Aussi la position du COLIPA ne représente-t-elle aucun progrès par rapport à ce qu’exige déjà la législation.
La situation actuelle en matière de législation
La septième révision de la Directive 76/768/EEC de l’Union Européenne sur les cosmétiques , entérinée en 2003, a institué des dates butoir pour interdire la commercialisation des produits cosmétiques contenant des ingrédients testés sur des animaux, ainsi qu’une date butoir pour l’interdiction des tests sur les animaux au sein des Etats membres de l’Union Européenne.
La septième révision stipule qu’en 2009, plus aucun test sur les animaux ne devra être réalisé pour les ingrédients des produits cosmétiques dans les pays de l’Union Européenne dans le cadre de la Directive sur les produits cosmétiques, et cela, quel que soit l’état d’avancement des méthodes substitutives.
Au sein de l’Union Européenne, une interdiction de commercialiser les produits cosmétiques contenant des ingrédients testés sur des animaux devrait entrer en vigueur en septembre 2004, si des méthodes substitutives validées existent. Cette interdiction partielle s’appliquerait également aux produits provenant de pays extérieurs à l’Union Européenne.
En 2009, une autre interdiction partielle devra s’appliquer à la commercialisation et à la vente dans l’Union Européenne des produits cosmétiques contenant un ingrédient quelconque testé sur des animaux, que des méthodes substitutives soient disponibles ou non. Elle sera applicable aux tests pratiqués partout dans le monde dans la mesure où ils seront réalisés dans le cadre de la Directive sur les produits cosmétiques. La septième révision ne concerne pas les tests pratiqués dans le cadre de la Directive sur les substances dangereuses ou dans le cadre des exigences de tests d’innocuité des pays non membres de l’Union Européenne. Les exceptions ne concernent que trois types de toxicité : la toxicité reproductive, la toxico-cinétique et la toxicité à doses répétées. Les produits cosmétiques contenant des ingrédients testés sur des animaux dans le cadre de ces trois types de toxicité pourront encore être commercialisés jusqu’en 2013. Si, à cette date, les méthodes substitutives n’ont pas encore été validées, la date butoir pourra cependant être encore repoussée, selon le processus de codécision de l’Union Européenne.
Les dispositions relatives à l’interdiction de tester les produits cosmétiques et de commercialiser les produits testés sur les animaux au sein de l’Union Européenne devraient inciter l’industrie des cosmétiques et les entreprises chimiques qui sont ses fournisseurs à redoubler d’efforts pour trouver des méthodes substitutives. Cependant, ces interdictions n’auront pas d’effet sur les tests pratiqués sur les animaux pour les substances chimiques qui sont principalement destinées à d’autres catégories de produits, des produits à usage industriel ou domestique : ces tests seront toujours réglementés par la législation relative aux substances dangereuses.
Il y a donc des chances que les entreprises qui testent les substances chimiques sur des animaux se contentent de changer la classification de ces tests, pour les faire passer de la catégorie des cosmétiques à la catégorie des substances chimiques dangereuses. Ce serait là le moyen de cacher derrière un écran de fumée la pratique persistante des tests sur les animaux, pour des ingrédients qui n’apparaîtraient plus comme tels dans les statistiques de l’Union Européenne relatives à l’expérimentation animale. Si les entreprises y trouvent leurs intérêts économiques, elles n’hésiteront sans doute pas à contourner les restrictions imposées par l’Union Européenne.
OneVoice demande au gouvernement français, ainsi qu’aux autres instances dirigeantes nationales partout en Europe, de prévenir les laboratoires qu’un reclassement des tests pratiqués sur les animaux pour contourner l’interdiction de tester relative aux cosmétiques serait inacceptable, et que procéder de la sorte constituerait une trahison vis-à-vis de ce que veut l’opinion publique.
En 2002, la divulgation d’une note interne de la compagnie Procter & Gamble a révélé la vision cynique qu’ont les industriels du problème de la souffrance des animaux et de l’opinion publique. Cette compagnie, qui commercialise notamment les marques Max Factor, Vidal Sassoon, Camay, Hugo Boss fragrance et Nice n’ Easy hair colours, a procédé à une activité de lobbying en coulisse pour obtenir l’ajournement des interdictions relatives aux tests et à la commercialisation. Il était écrit dans cette note de service : “Ce serait préjudiciable pour la compagnie d’être vue comme étant celle qui fait pression pour tester sur des animaux, contre l’opinion publique.” Elle révélait que la compagnie faisait pratiquer la plus grande partie de ses tests d’innocuité en dehors de l’Europe, espérant ainsi éviter l’impact de l’interdiction de tester au sein de l’Union Européenne tout en continuant à commercialiser ses produits en Europe.
Compétitivité et litiges commerciaux
Le COLIPA s’oppose à une interdiction de tester parce qu’il craint que la compétitivité de l’industrie sur le marché mondial en souffre, la capacité des entreprises européenne à ‘innover’ et à commercialiser ses produits outremer pouvant s’en trouver affaiblie. C’est supposer qu’une innovation, au niveau des produits, qui serait fondée sur des combinaisons d’ingrédients parmi les 8.400 déjà existants, ne saurait satisfaire les consommateurs, du moins à court terme. Le COLIPA affirme que les dates butoirs de la septième révision, concernant le développement de méthodes substitutives et l’interdiction de tester sur des animaux, sont trop proches.
Le COLIPA s’oppose aussi à l’interdiction, pour l’Union Européenne, de commercialiser des produits cosmétiques contenant des ingrédients testés sur des animaux, car il considère que cela risque d’entraîner un litige commercial avec d’autres secteurs géographiques comme le Japon, les Etats-Unis ou le Canada. Certains Etats membres ont approuvé cette interprétation. Pourtant, la députée européenne Caroline Lucas et d’autres pensent qu’il est possible de défendre une interdiction relative à la commercialisation dans le cadre des règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et de la mener à bien sans faiblir au niveau de l’Union Européenne. Les préoccupations du public concernant le bien-être des animaux constituent l’une des exceptions générales permises au libre échange, selon l’Article XX du GATT de 1994. Ce sont précisément la santé et le bien-être des animaux, avec l’expression de l’aversion du public américain au commerce de la fourrure de chien et de chat, qui ont constitué le principal argument utilisé par les Etats-Unis pour interdire l’importation et la vente de ces produits, en décembre 2000.
Il existe d’autres précédents en matière d’exceptions répondant à des objectifs non commerciaux – comme la protection de la population, des animaux et de l’environnement. On peut citer le moratoire officieux, depuis 1998, concernant l’admission des aliments génétiquement modifiés dans les pays de l’Union Européenne. Les Etats-Unis n’ont demandé que très récemment à l’OMC de décider s’il s’agissait là d’une entrave aux règles du libre échange.
Autre exemple significatif, à la conférence de l’OMC de novembre 2001, les ministres du commerce ont déclaré que les droits de la propriété intellectuelle (c’est-à-dire, en l’occurrence, les brevets détenus par les entreprises pharmaceutiques) ne devraient pas empêcher les pays pauvres d’obtenir des médicaments moins chers. Finalement, en 2003, l’OMC a accepté que les pays pauvres continuent à importer des versions génériques à bon marché des médicaments brevetés, afin de faciliter la lutte contre des épidémies comme le sida et la tuberculose. Le directeur général de l’OMC y a vu la preuve “que l’organisation peut s’occuper de problèmes humanitaires aussi bien que de problèmes commerciaux” .
La BUAV, une association britannique, a reçu un avis légal autorisé d’après lequel les pays membres de l’OMC peuvent imposer des restrictions commerciales lorsqu’il est question de morale publique (en Europe, les sondages montrent de façon régulière que le public est opposé à l’expérimentation animale dans le domaine des cosmétiques), et selon lequel il est nécessaire de préserver la santé des animaux (qui est évidemment compromise par les tests).
Malgré le besoin de prendre en considération de manière juste, dans le cadre des accords de libre échange, les problèmes d’éthique, qui concernent notamment la protection des animaux, le gouvernement français et la Fédération européenne pour les ingrédients cosmétiques, qui représente l’industrie, ont essayé de bloquer les mesures d’interdiction des tests sur les animaux approuvées par l’Union Européenne (voir chapitre 6).
Bien sûr, l’opposition du public aux tests sur les animaux est en progression à l’échelle mondiale, et les industriels des cosmétiques dans les autres pays (hors Union Européenne) sont conscients des enjeux. Dans ces pays, les laboratoires participent au développement et à la validation des méthodes substitutives de tests. Une interdiction au niveau de l’Europe, pour les tests et la commercialisation des produits testés, serait pour ces industriels un signal très fort, pour leur faire comprendre qu’il leur faudra, eux aussi, changer leurs méthodes de tests s’ils veulent pouvoir commercialiser leurs produits dans les pays de l’Union Européenne.
Le rôle des méthodes substitutives
Le développement rapide des méthodes substitutives peut être la solution pour éviter que les ingrédients des produits cosmétiques soient testés sur des animaux et pour éviter les éventuels litiges commerciaux. C’est probablement l’industrie des cosmétiques –confrontée à la pression des consommateurs et à la menace d’interdiction – qui a fait le plus d’efforts, à l’exception de l’industrie pharmaceutique, pour développer des méthodes substitutives. Cependant, on peut faire bien davantage, et il faut faire bien davantage. L’industrie chimique, dans son ensemble, n’a encore pratiquement pas contribué au financement des recherches sur les méthodes substitutives de tests. Les changements proposés, concernant la stratégie européenne en matière de produits chimiques (voir chapitre 2), montrent pourtant qu’il existe à présent une double pression sur les entreprises de l’industrie chimique pour les inciter à agir positivement dans ce sens.
Le développement et la validation de nouvelles méthodes de tests sans cruauté prendront certainement du temps, et représenteront un investissement important à court terme. Mais cela permettra de disposer de tout un ensemble de techniques ne nécessitant pas l’utilisation d’animaux, avec lesquelles il sera possible de tester les effets éventuels sur la santé des nouveaux ingrédients comme de ceux qui existent déjà, de façon rapide, fiable et moins coûteuse. Cela permettra aussi de poursuivre ou de renforcer la protection des consommateurs et la préservation de l’environnement, tout en répondant à la demande des consommateurs de ne pas voir des animaux souffrir au nom des produits cosmétiques.
Une autre retombée positive sera le fait que les autres substances chimiques – les produits chimiques industriels, les biocides, les pesticides et les produits pharmaceutiques – pourront aussi être testés plus rapidement et de façon moins coûteuse, grâce aux nouvelles méthodes substitutives. On épargnera ainsi à des millions d’animaux la détresse et parfois la mort qu’entraînent les tests. Enfin, en investissant ses fonds et son savoir-faire dans le développement de méthodes de modélisation sur ordinateur et de techniques in vitro (cultures de cellules, génomique, protéomique, instrumentation, etc.), l’Union Européenne profitera d’un nouvelle connaissance scientifique et de nouvelles compétences dans ces technologies. Ces technologies ont un large champ d’application dans des domaines importants comme la médecine : ainsi, la position de l’Union Européenne et de ses pays membres par rapport au reste du monde et leur compétitivité dans ces domaines en seront renforcées.
Les méthodes substitutives de tests
La Commission européenne a institué une série de conférences entre les parties intéressées, pour discuter du calendrier du développement des méthodes substitutives pour l’ensemble des objectifs relatifs aux tests de toxicité. Le Centre européen pour la validation des méthodes substitutives (ECVAM) joue ici un rôle clé.
Comme nous l’avons vu au chapitre 4, les statistiques exigées par le Comité scientifique pour les produits cosmétiques et les produits non alimentaires (SCCNFP) pour un ingrédient, dans le cadre de la Directive sur les cosmétiques, peuvent comprendre :
1. La toxicité aiguë (si possible)
2. L’absorption cutanée
3. La corrosion /l’irritation de la peau
4. L’irritation de l’œil
5. La sensibilisation de la peau & la photosensibilisation
6. La toxicité sub-chronique
7. Les effets mutagènes /la toxicité génétique
Si la substance chimique absorbe les rayons ultraviolets :
8. La photo-toxicité
9. Les effets photo-mutagènes /la photo-toxicité génétique
10. Les statistiques relatives à l’être humain (si possible)
Et si l’ingrédient est susceptible de pénétrer dans le sang en quantité significative, par voie orale ou par voie cutanée :
11. La cinétique de la toxicité
12. Les études de métabolisme
13. Les études de toxicité à long terme (ex. effets tératogènes, toxicité reproductive et effets carcinogènes)
Cependant, le SCCNFP affirme adopter une approche flexible en matière de tests, et il a effectivement accepté que des résultats d’études pionnières in vitro, concernant la pénétration par voie cutanée, servent de ligne directrice au niveau de l’Union Européenne.
La recommandation de OneVoice est que le SCCNFP ne limite pas son acceptation des statistiques de tests aux seuls tests substitutifs qui ont reçu l’aval réglementaire au niveau européen, surtout si les retards, en la matière, sont imputables à la bureaucratie. Si le SCCNFP est convaincu qu’une méthode substitutive de test est scientifiquement valide, il ne devrait pas attendre l’agrément de l’Union Européenne (il devrait d’ailleurs s’employer à faciliter cet agrément).
Pour l’obtention de certaines de ces statistiques, il existe déjà des méthodes substitutives de tests qui sont valides, qui sont admises par le SCCNFP et qui sont répertoriées soit dans les Lignes directrices de l’OCDE soit dans les Directives de tests de l’Union Européenne (voir Tableau 1). Dans l’Union Européenne, lorsqu’une méthode substitutive figure dans les directives, il est obligatoire de l’utiliser à la place du test équivalent sur les animaux.
Tableau 1
Méthodes substitutives validées et acceptées par l’OCDE et /ou l’Union Européenne
Type de toxicité
|
Méthode substitutive
|
Numéro de test dans les directives de l’OCDE et /ou de l’Union Européenne*
|
Absorption cutanée | Essai avec des fragments de peau isolés | TG428 |
Corrosion de la peau | Peau humaine reconstituée | TG431, B40 |
Corrosion de la peau | Essai TER | TG430, B40 |
Effets mutagènes /toxicité génétique | Test d’Ames | TG471, B13/14 |
Effets mutagènes /toxicité génétique | Mutation des gènes dans la levure | TG480, B15 |
Effets mutagènes /toxicité génétique | recombinaison mitotique dans la levure | TG481, B16 |
Effets mutagènes /toxicité génétique | Test d’aberration chromosomique sur cellules de mammifère | TG473, B10 |
Effets mutagènes /toxicité génétique | Test de mutation génique sur cellules de mammifère | TG476, B17 |
Effets mutagènes /toxicité génétique | Synthèse d’ADN non programmée | TG482, B18 |
Effets mutagènes /toxicité génétique | Sister chromatid exchange | TG479, B19 |
Photo-toxicité | Essai de captation du rouge neutre | TG432, B41 |
Effets carcinogènes | Test de transformation sur cellules de mammifère | B21 |
* Un numéro en ‘TG’ indique une Ligne directrice de test de l’OCDE. Un numéro en ‘B’ indique une directive de test de l’Union Européenne en Annexe V de la Directive 67/548/EEC relative aux substances dangereuses.
La situation en ce qui concerne les méthodes substitutives et les priorités pour la recherche
Nous passons ici en revue les méthodes substitutives de tests disponibles pour les différents types de toxicité, et nous identifions les recherches qui doivent être faites en priorité pour que les expérimentations sur les animaux puissent être remplacées aussi vite que possible.
The SCCNFP ne demande pas que des tests soient pratiqués sur des animaux de façon spécifique pour obtenir des statistiques de [1] toxicité aiguë relatives aux ingrédients des cosmétiques . Il faut simplement obtenir des statistiques là où elles sont déjà disponibles. Pour un certain nombre d’ingrédients, les statistiques existeront déjà, surtout lorsque la substance chimique en question a été acceptée dans le cadre des Directives relatives aux substances dangereuses. Pour déterminer la toxicité aiguë sans utiliser d’animaux, une combinaison de tests est requise :
– Les résultats des études d’absorption cutanée in vitro (voir plus haut) et des tests d’absorption intestinale in vitro (largement utilisés dans l’industrie pharmaceutique) permettent de déterminer si une substance chimique sera absorbée par voie cutanée ou par voie orale.
– Si la réponse semble être plutôt oui, il est possible de procéder à des études de toxicité cellulaire (cyto-toxicité) in vitro. Deux méthodes sont en cours de validation conjointe par l’Europe et les Etats-Unis en 2003, et le résultat devrait être disponible en 2004. Ces tests permettraient d’identifier les substances chimiques qui sont clairement très toxiques ou non toxiques.
– En étudiant le métabolisme d’une substance chimique en éprouvette, en recourant à l’activité métabolique des cellules du foie humain ou à des cultures de cellules génétiquement modifiées, il est possible d’identifier les métabolites toxiques. De tels tests sont largement utilisés dans l’industrie pharmaceutique, et les études de pré-validation ont commencé en 2003.
– Le cas échéant, il est possible de procéder à des tests in vitro concernant plus spécifiquement tel ou tel organe pour voir si la substance chimique étudiée est susceptible de causer des dommages au niveau du foie, du cerveau ou des reins. Les méthodes qui permettent de réaliser de telles études sont en cours de développement, et des ressources sont nécessaires pour poursuivre ce développement.
Comme le montre le Tableau 1, il existe une méthode in vitro valide pour [2] l’absorption cutanée. Depuis quelques années, le SCCNFP accepte les statistiques obtenues par cette méthode ; il accepte aussi les statistiques relatives à l’ absorption chez l’être humain, qu’il considère comme “l’idéal” . Il existe des tests d’absorption cutanée chez les animaux, mais qui n’ont jamais été correctement validés.
Pour [3] la corrosion de la peau, on ne devrait pratiquer aucun test sur les animaux, car il existe des méthodes in vitro qui ont été validées et acceptées. Deux méthodes d’évaluation de [3] l’irritation de la peau in vitro font l’objet d’une étude de validation, commencée en 2003, qui devrait déboucher sur un résultat positif. Cependant, un groupe international d’experts en toxicologie a déjà émis des recommandations selon lesquelles les évaluations des risques, en ce qui concerne l’irritation de la peau, peuvent être menées à bien de manière efficace et sûre sans aucun test sur des animaux. Dans certains cas, ils proposent de compléter les méthodes in vitro par des études validées menées sur des volontaires humains dans le respect de l’éthique (patch-tests), et le SCCNFP approuve cette approche . En ce qui concerne l’irritation de la peau, il n’existe donc aucune justification aux tests pratiqués sur les animaux.
Les Lignes directrices de l’OCDE recommandent déjà une stratégie de tests par étapes pour [4] l’irritation oculaire, dans laquelle un test sur l’animal n’est demandé que lorsque les tests sans animaux, pour une substance chimique, ont donné un résultat négatif : tests des propriétés physico-chimiques, d’acidité /alcalinité, etc. Selon la Directive de test européenne concernée, ces données sont aussi considérées comme utiles.
Par ailleurs, il existe quatre méthodes bien établies dans lesquelles on utilise des tissus animaux isolés, qui permettent de distinguer les produits légèrement irritants des produits sévèrement irritants pour les yeux sans utiliser d’animaux vivants . Certaines de ces méthodes sont admises par une réglementation au niveau national, par exemple en Allemagne, en Belgique, en Grande-Bretagne et aux Pays-Bas.
En France, ces quatre méthodes de tests sont admises pour la classification positive des produits gravement irritants pour les yeux, et le test du relargage du rouge neutre ainsi que le test de diffusion en gel d’agarose sont également admis pour l’évaluation des produits cosmétiques .
Les représentants français au SCCNFP et dans les autres forums de l’Union Européenne devraient réclamer que soient admises, au niveau de l’Union Européenne, les statistiques produites par ces méthodes. En France, on ne devrait pas tester les substances chimiques irritantes sur des lapins alors que d’autres méthodes ont été admises comme étant valides pour la distinction entre les substances légèrement irritantes et les substances sévèrement irritantes.
Enfin, un certain nombre de tests in vitro sont disponibles pour classer les substances non-irritantes. Il conviendrait de donner la priorité au développement rapide et à la validation de ces tests, et d’obtenir l’accélération de leur homologation par la Commission européenne.
A ce jour, pour [5] la sensibilisation de la peau, il n’existe aucune méthode substitutive d’évaluation des substances chimiques qui soit entièrement validée. Cependant, pour qu’il y ait sensibilisation de la peau, il faut à la fois qu’une substance ait pénétré la peau et qu’elle se soit fixée aux protéines. Or il existe, pour l’absorption cutanée, une méthode in vitro acceptée par l’OCDE (Tableau 1, plus haut), quant à la fixation aux protéines, elle peut se mesurer de manière fiable en éprouvette. Le COLIPA considère l’étude de la liaison des protéines comme une méthode de laboratoire utile pour l’identification des risques . On dispose aussi de systèmes sur ordinateur permettant de prédire la sensibilisation de la peau en fonction de la structure de la molécule, et ces méthodes devraient faire l’objet d’une validation d’ici un an ou deux. Il est donc possible de classer un certain nombre d’ingrédients chimiques comme non sensibilisateurs ou comme sensibilisateurs probables, à partir de ces trois approches.
Par ailleurs, on développe actuellement des méthodes de test cellulaire pour prédire la sensibilisation, et L’Oréal a fait beaucoup de recherches dans ce domaine. L’ECVAM prévoit que ces méthodes de test seront techniquement au point pour des études de validation complète aux alentours de 2006. Le SCCNFP admet les résultats des études de sensibilisation de la peau sur des volontaires. Sans vraiment recommander des études sur l’être humain, le SCCNFP souligne qu’il est préférable de tester sur l’être humain afin d’éviter le problème des différences de réaction d’une espèce à une autre . Pour toutes ces raisons, on voit qu’il serait possible même aujourd’hui, pour ce qui concerne la sensibilisation, de tester un grand nombre d’ingrédients ou de produits cosmétiques sans recourir à l’expérimentation animale ; et ce serait possible à coup sûr à partir de 2006.
Le SCCNFP déclare que certains nouveaux ingrédients de cosmétiques (conservateurs, colorants et filtres à ultraviolets) devraient faire l’objet de tests de [6] toxicité sub-chronique (toxicité à doses répétées) sur les animaux, même s’ils sont exemptés dans le cadre des Directives relatives aux substances dangereuses (par exemple lorsque la substance chimique n’est fabriquée qu’en petites quantités). Les tests de toxicité sub-chronique consistent à administrer quotidiennement aux animaux une certaine dose sur une période de 28 ou de 90 jours (voir chapitre 4). Le SCCNFP n’explique pas pourquoi ces tests seraient nécessaires lorsqu’il s’agit d’ingrédients qui ne pénètrent pas la peau et qui ont peu de chances d’être avalés ou de se trouver absorbés par la circulation sanguine. Il est pourtant possible d’évaluer ces deux propriétés sans utiliser d’animaux (voir plus haut, sous le titre Toxicité aiguë).
La septième révision de la Directive sur les produits cosmétiques reporte à 2013 l’interdiction de commercialiser les produits cosmétiques contenant des ingrédients testés sur des animaux pour la toxicité à doses répétées.
Pour les tests de toxicité à doses répétées (c’est-à-dire sub-chronique), les méthodes in vitro ne sont pas encore entièrement développées et validées, mais des études montrent qu’il n’y a pas d’obstacle, du point de vue scientifique, à ce qu’elles le soient. La lenteur des progrès dans ce domaine est le reflet d’un manque d’efforts de recherche et d’une insuffisance d’investissement, et non pas de difficultés techniques insurmontables. Il est aussi possible de pratiquer des tests in vitro ciblés sur des organes spécifiques pour voir si une substance chimique risque de provoquer des dommages au niveau du foie, du cerveau ou des reins. Là encore, des méthodes sont en cours de développement, et des ressources seraient nécessaire pour que ce progrès soit plus rapide.
Il conviendrait de donner la priorité à ces recherches, de telle sorte que les entreprises puissent enfin utiliser de nouveaux ingrédients sûrs. Il n’y a cependant aucune raison de permettre que des tests sur les animaux se poursuivent entre-temps, étant donné la possibilité de créer de nouveaux produits sans risque à partir des 8.400 ingrédients déjà répertoriés.
En ce qui concerne [7] les effets mutagènes /la toxicité génétique, malgré un ensemble appréciable de méthodes in vitro admises par l’OCDE et par l’Union Européenne, il est devenu habituel, dans le cadre des Directives relatives aux substances dangereuses, de procéder à des tests supplémentaires sur les animaux pour les substances chimiques présentant des résultats positifs. Le SCCNFP précise dans ses Notes of Guidance que deux tests in vitro apportent généralement “(…) les preuves suffisantes concernant le potentiel mutagène et /ou géno-toxique”, mais ajoute ensuite que l’on peut procéder à des tests sur les animaux pour confirmer “(…) une activité mutagène déjà observée in vitro”.
Cette pratique consistant à re-tester sur des animaux une substance chimique ayant obtenu un résultat positif est indéfendable sur le plan éthique. Si un ingrédient obtient deux résultats positifs lors des tests standard in vitro (en général, le test de mutation inversée d’Ames et le test d’aberration chromosomique sur cellules de mammifère), il doit être classé comme mutagène ou carcinogène géno-toxique sans qu’il soit utile de faire souffrir des animaux avec des tests supplémentaires. Deux résultats négatifs indiquent que la substance n’est pas mutagène ni carcinogène et géno-toxique. Si nécessaire, les résultats peuvent être clarifiés en faisant varier les conditions des tests (avec par exemple des études complémentaires de métabolisme) ou en procédant à des tests in vitro supplémentaires.
En ce qui concerne les substances chimiques qui absorbent les rayons ultraviolets, il existe une technique de mesure au niveau cellulaire de la [8] photo-toxicité (propriété photo-irritante) admise par les directives de l’OCDE et de l’Union Européenne, c’est pourquoi, selon la Directive 86/609/EEC, il ne devrait pas être procédé à des tests sur les animaux dans ce domaine. Quoi qu’il en soit, ces tests sur animaux n’ont jamais été validés.
Les tests in vitro des [9] effets photo-mutagènes /photo-génotoxicité, qui eux aussi, ne sont nécessaires que pour les substances chimiques absorbant les rayons ultraviolets, sont admis par le SCCNFP. Les tests recommandés sont le test d’Ames test et le test cellulaire d’aberration chromosomique, avec et sans rayons ultraviolets.
Dans ses Notes of Guidance, le SCCNFP précise les situations dans lesquelles [10] des études sur l’être humain peuvent être menées. Il s’agit des tests épicutanés (patch-tests) d’irritation de la peau (Annexe 11) et des tests de compatibilité des produits cosmétiques (Annexe 12). Le SCCNFP admet aussi les statistiques provenant des études de sensibilisation de la peau réalisées sur des volontaires (cependant, il s’abstient de recommander ce type de tests), en soulignant que le fait de procéder à des tests sur l’être humain permet d’éviter le problème des différences de réaction d’une espèce à une autre (Annexe 13).
Lorsqu’un ingrédient cosmétique est susceptible d’être ingéré ou absorbé par la peau en quantité significative, le SCCNFP considère qu’il convient de procéder à des [11] études de cinétique de toxicité et à des [12] études de métabolisme. Ces études visent à comprendre l’absorption, la diffusion, le métabolisme et l’excrétion d’une substance chimique donnée. Le test d’absorption cutanée in vitro figure dans les Lignes directrices de tests de l’OCDE, comme nous l’avons vu précédemment. L’industrie pharmaceutique et les centres de recherches ont souvent recouru à l’évaluation de l’absorption par les intestins au moyen de cultures de cellules humaines.
Des modèles sur ordinateur appelés modèles bio-cinétiques à base physiologique (PBBK) ont été développés pour prédire la diffusion des substances chimiques dans l’organisme et la manière dont elles sont éliminées. Ces modèles sont basés sur la connaissance de la substance elle-même, sur les statistiques des expérimentations en éprouvette et sur les aspects physiologiques connus du corps humain. Ces systèmes sur ordinateurs pourraient être validés d’ici 2007.
En ce qui concerne le métabolisme, d’après l’ECVAM, les meilleures méthodes in vitro consistent à étudier soit l’activité des enzymes dans des cellules de foie humain, soit des lignées de cellules modifiées génétiquement. Ces techniques font l’objet d’une étude de pré-validation commencée en 2003. A condition de disposer des fonds et des compétences nécessaires, la validation devrait être menée à bien d’ici 2007.
Lorsqu’un ingrédient de cosmétique est susceptible d’être absorbé par l’organisme en quantités substantielles, le SCCNFP peut requérir les informations qu’apportent [13] les tests de toxicité à long terme. Il peut s’agir de tests d’effets carcinogènes et d’études relatives à la fertilité et à la reproduction.
Le test in vitro sur cellules souches d’embryon a été validé par l’ECVAM comme convenant pour l’identification des substances chimiques provoquant des dommages sur l’embryon (effets tératogènes). Ce test devrait être intégré sans retard dans les directives réglementaires. Les effets des substances chimiques sur la fertilité peuvent être étudiés en éprouvette, sur des cellules de sperme et autres cellules génitales. Pour ces méthodes, un complément d’étude et une validation sont nécessaires.
En même temps, il conviendrait d’entreprendre davantage de recherches et de développement dans le domaine complexe de la toxicité de la fertilité et de la reproduction, en se fixant pour objectif la production de résultats dans cinq ou six ans au maximum. Ces travaux devraient se voir accorder la priorité, afin que les entreprises puissent disposer rapidement de nouveaux ingrédients qui soient sûrs. Mais en attendant, il n’y a aucune raison d’admettre que les tests sur les animaux continuent d’être pratiqués, puisqu’il est possible de créer de nouveaux produits sans risque en utilisant les ingrédients qui existent déjà.
Les tests présentés précédemment (voir item [7]) ont déjà permis d’identifier des substances carcinogènes géno-toxiques. Les substances carcinogènes qui ne sont pas géno-toxiques agissent selon une série de processus qui n’affectent pas directement les gènes ni les chromosomes. Les tests de transformation de cellules de mammifères figurent déjà dans les Directives de l’Union Européenne (B21), cependant, bien que ces méthodes soient largement utilisées pour étudier la carcinogenèse, elles n’ont pas encore reçu un appui réglementaire international. Les tests cellulaires sont pourtant bien plus rapides et bien moins chers d’utilisation que les tests équivalents pratiqués sur les animaux, et ils n’entraînent pas de souffrance animale.
Pour ces tests, une directive est en cours de développement à l’OCDE, dont la finalisation pourrait progresser rapidement si elle bénéficiait du soutien des représentants français au sein de l’OCDE.
Etant donné la possibilité de créer de nouveaux produits à partir du stock existant d’ingrédients admis comme étant sans risque, les souffrances qu’impliquent les tests effectués sur les animaux devraient pouvoir cesser dès aujourd’hui, sans que cela ne compromette la sécurité du public. Cependant, cette approche éthique ne satisfait pas l’industrie des cosmétiques. La septième révision de la Directive sur les cosmétiques a rendu les dates butoirs proposées, pour les interdictions relatives à la commercialisation des produits, dépendantes de la disponibilité de méthodes substitutives.
Les industriels et l’Union Européenne ayant insisté pour que les animaux continuent de souffrir au nom de la vanité, c’est à eux qu’incombe la responsabilité de consacrer le maximum de ressources financières et humaines au développement et à la validation des méthodes substitutives. Par ailleurs, à l’OCDE, il faudrait que la Commission européenne et les Etats membres de l’Union Européenne exercent activement une pression sur les autres pays membres pour qu’ils acceptent, sans retard, les résultats des nouvelles méthodes validées, afin que celles-ci remplacent l’expérimentation animale partout dans le monde.
Chapitre 6
Les tests de produits cosmétiques en France
Le présent chapitre traite des principales compagnies dont se compose l’industrie française des cosmétiques, de l’attitude du gouvernement vis-à-vis de l’expérimentation animale et du nombre d’animaux utilisés dans les différentes expérimentations menées au nom de la vanité humaine.
L’industrie française des cosmétiques : les coulisses de l’élégance
La France est mondialement réputée pour ses produits cosmétiques et ses articles de toilette. Aux Etats-Unis, en Europe et au Japon, rares sont les gens qui ne connaissent pas les noms de L’Oréal, Guerlain, Clarins, Givenchy et Christian Dior. Ces marques, dont la publicité est faite à l’échelle mondiale, créent dans l’esprit de millions de gens des images de produits de luxe pour les petits soins du corps et la beauté.
Mais l’industrie française des cosmétiques a aussi un autre versant, qui est hideux, et dont ces compagnies ne souhaitent pas que leur clientèle ait connaissance. Le versant hideux de l’industrie de la beauté, c’est, bien entendu, la souffrance des animaux –lapins, cochons d’Inde, souris, hamsters et rats – sur lesquels ces produits et leurs ‘nouveaux ingrédients actifs’ sont souvent testés. Il est intéressant de constater que certaines des publicités que font paraître, dans les magazines, les grands fabricants de cosmétiques, expliquent que des tests cliniques en éprouvette (in vitro) ont été réalisés lors de la formulation de leurs produits, mais sans jamais parler des tests pratiqués sur les animaux.
L’industrie des cosmétiques est une très grosse affaire. Le marché mondial des cosmétiques est évalué à 83 milliards d’euros, et la France en est l’un des principaux acteurs. En 2002, le chiffre d’affaires net du groupe français LVMH – qui possède les marques Christian Dior, Guerlain, Givenchy et Kenzo – s’élevait à 2.336 millions d’euros. Ce groupe est très attaché à ‘innover’ constamment, et déclare dans son rapport annuel de 2002 qu’il a l’intention de proposer chaque année 20% de nouveaux produits.
L’ ‘innovation’, pour les animaux de laboratoire, cela ne présage jamais rien de bon, car les nouveaux ingrédients sont encore testés sur l’animal. Cependant, les entreprises françaises du secteur affirment souvent que les nouveaux produits, à base de nouveaux ingrédients, jouent un rôle capital dans l’expansion de leurs marchés, et cela, bien qu’il existe déjà 8.400 ingrédients utilisables. Or, il serait possible, pratiquement sans limite, de combiner ces ingrédients existants pour obtenir de nouveaux produits – sans avoir besoin d’effectuer des tests sur des animaux.
L’Oréal est une compagnie bien connue dans le monde entier. Ce groupe possède sa propre gamme de produits L’Oréal, mais possède aussi un certain nombre de filiales et de marques, comme Biotherm, Helena Rubinstein, Laboratoires Garnier, Lancôme, Lanvin, Maybelline et Vichy, ainsi que Daniel Hechter, Gloria Vanderbilt, Color Riche, Jet Set, Elnett et bien d’autres encore. L’Oréal exerce une influence très importante dans l’industrie cosmétique mondiale, notamment au niveau de l’Europe par l’intermédiaire du COLIPA et de l’Assemblée des chambres françaises de commerce et d’industrie.
Si L’Oréal a consacré d’importantes recherches au développement de méthodes substitutives, et a arrêté de tester ses produits finis sur des animaux il y a quelques années, ce groupe aime développer de nouveaux ingrédients – lesquels sont testés sur des animaux. En 1996, L’Oréal a publié un rapport d’expérimentations sur 140 souris, relatives aux effets carcinogènes : on avait testé sur ces souris un filtre à ultraviolets (un écran solaire) appelé Mexoryl SX, pour voir s’il permettait de prévenir des cancers de la peau induits par les rayonnements . On avait divisé les souris en trois groupes de test et deux groupes témoins, et les souris avaient été immobilisées et exposées aux rayons ultraviolets cinq jours par semaine pendant 40 semaines. Dans chaque groupe, les souris avaient développé des tumeurs cutanées, et à partir du 28e jour, on avait dû éliminer une partie des souris, à cause des dimensions que leurs tumeurs avaient prises. Chez les individus traités au Mexoryl SX, le développement des tumeurs avait été retardé de six semaines.
Bien sûr, le bon sens et l’esprit scientifique incitent à se demander si des résultats obtenus par expérimentation en laboratoire sur des souris mutantes sans pelage peuvent être réellement significatifs par rapport à l’être humain. Peut-être est-ce la raison pour laquelle la société L’Oréal s’est elle-même sentie obligée d’expliquer, dans un rapport postérieur, que malgré un grand nombre d’expérimentations sur des animaux, “on sait peu de choses sur la protection de la peau humaine contre les UV” (c’est nous qui mettons les italiques).
Le groupe Clarins est un des autres leaders du marché des cosmétiques, avec un chiffre d’affaires net de 922 millions d’euros en 2002. C’est aussi en France que sont implantées des sociétés filiales de compagnies dont le siège est ailleurs. C’est par exemple le cas de Colgate-Palmolive France, qui dépend du groupe américain, et qui vend des savons, des shampoings, des gels de douche, des dentifrices et des bains de bouche.
Dans leurs efforts pour accroître leurs profits, certaines entreprises de cosmétiques commercialisent des produits qui relèvent presque du domaine médical. Le journal scientifique le plus prestigieux du monde, Nature, parlait récemment de cette distinction de plus en plus ‘floue’ entre les produits cosmétiques et les médicaments . Appelés « cosmeceuticals » dans le monde anglo-saxon, ces produits hybrides sont vendus pour répondre à des demandes semi-médicales comme la lutte contre les symptômes du vieillissement ou l’arrêt de la chute des cheveux. Vendre comme cosmétiques et articles de toilette des produits censés avoir une fonction semi-médicale permet à ces sociétés de maximiser leurs profits. En effet, les produits pharmaceutiques doivent subir des procédures de tests bien plus complètes et plus poussées, pour des raison de sécurité et d’efficacité, et cela coûterait plus cher à ces sociétés. Commercialiser des produits mi-cosmétiques mi-pharmaceutiques permet à une entreprise d’élargir sa clientèle et d’accroître ses recettes, sans avoir à assumer les coûts des essais cliniques approfondis qu’un médicament devrait subir.
L’Oréal a rapidement su trouver un moyen d’accroître ses débouchés au-delà des produits cosmétiques et des articles de toilette. En 1981, elle a créé conjointement avec Nestlé la société Galderma, pour développer des produits pharmaceutiques destinés à traiter les problèmes de peau, de cheveux et d’ongles. Galderma emploie aujourd’hui plus de 400 salariés sur trois sites, parmi lesquels son principal centre de recherche et développement à Sophia-Antipolis, près de Nice. Les produits pharmaceutiques relèvent évidemment d’un domaine dans lequel les tests sur les animaux sont obligatoires, et le développement de chacun de ces produits entraînera des souffrances pour des milliers de petits rongeurs, de lapins, de chiens et de primates.
Face à l’opposition croissante du public à la pratique des tests sur les animaux, l’industrie française de la beauté s’est toujours réfugiée derrière la législation européenne, en faisant valoir que les tests sur les animaux sont obligatoires. Cependant, une révision récente de cette législation (voir chapitre 3) impose maintenant des dates butoirs pour interdire la commercialisation des produits cosmétiques et articles de toilette contenant des ingrédients testés sur des animaux, et pour interdire les tests qui se pratiquent réellement dans les pays de l’Union Européenne pour un certain nombre de ces ingrédients. La France a-t-elle accueilli favorablement ce progrès éthique ?
L’opposition des autorités françaises à l’abolition des tests sur les animaux
Il apparaît que les mesures d’interdiction concernant les tests des ingrédients et la commercialisation des produits cosmétiques qui les contiennent, qui n’ont été acceptées que récemment par le Parlement européen et par le Conseil des ministres de l’Europe, ne sont pas du tout du goût de la France.
Bien que 60% de ses administrés soient favorables à ces interdictions, le gouvernement français a défié l’opinion publique et a déposé un recours devant la Cour européenne de justice au Luxembourg, pour demander l’annulation des projets d’interdiction . Premièrement, le gouvernement français proteste en faisant valoir que ces interdictions seraient incompatibles avec les règles de l’Organisation mondiale du commerce – bien que la préoccupation publique concernant le bien-être des animaux constitue l’une des exceptions générales au libre échange admises par le GATT en 1994.
Deuxièmement, le gouvernement affirme que ces interdictions causeront du tort à l’industrie européenne des cosmétiques, en interférant de manière excessive avec la liberté d’exercer une “activité professionnelle”. Pourtant, la législation n’empêche pas les entreprises de développer ni de commercialiser de nouveaux produits. Il semble donc que le gouvernement veule que l’industrie de la beauté garde toute liberté d’infliger la douleur et la détresse aux animaux de laboratoire au nom de la vanité. Parmi les Etats membres de l’Union Européenne, la France est le seul à avoir pris cette mesure incroyable.
Cependant, une autre organisation représentant les intérêts de l’industrie des cosmétiques a entrepris une action similaire. Il s’agit de la Fédération européenne pour les ingrédients cosmétiques (EFFCI), basée à Bruxelles, qui affirme que la législation interdisant les tests sur les animaux est incompatible avec les règles du libre échange et qu’elle compromet les intérêts commerciaux des pays européens . Elle fait aussi valoir que le bien-être des animaux ne fait pas partie des objectifs du marché intérieur de la Communauté européenne et que la législation mettant fin aux tests des ingrédients de cosmétiques sur les animaux peut représenter un risque pour les consommateurs. Là encore, il s’agit d’une absurdité : à supposer que l’on ne dispose pas encore d’un ensemble suffisant de méthodes substitutives validées au moment de l’entrée en vigueur de cette interdiction, les producteurs auront toujours à leur disposition un vaste choix d’ingrédients existants, qui sont considérés comme étant sans risques.
D’après un article du Monde , l’opposition du gouvernement viendrait de Nicole Fontaine, la ministre déléguée à l’industrie : le gouvernement y est accusé d’agir pour la protection de grandes compagnies comme L’Oréal et LVMH. Le Monde présente l’EFFCI comme une fédération nouvellement créée regroupant 70 entreprises de l’industrie chimique, qui développent et commercialisent des ingrédients chimiques dont beaucoup sont utilisés dans la fabrication des produits cosmétiques.
Ainsi, après trente ans de progrès dans le domaine législatif, et maintenant que le Parlement européen et le Conseil des ministres acceptent enfin d’écouter la voix d’une majorité des citoyens des pays de l’Union Européenne qui est opposée aux tests sur les animaux, la France et l’industrie chimique agissent en justice pour prolonger la souffrance des animaux.
OneVoice demande que le gouvernement renonce à sa tentative de perpétuer la souffrance et la mort des animaux au nom de la vanité, et qu’il retire son recours contre la Commission européenne. Il existe déjà plus de 8.000 ingrédients considérés comme sans risques et qui peuvent être utilisés pour développer de nouveaux produits, en attendant de disposer de méthodes substitutives de tests dans tous les domaines.
Le nombre d’animaux soumis aux tests en France
Depuis de nombreuses années, la France détient le triste record du pays européen pratiquant le plus grand nombre de tests des produits cosmétiques et de leurs ingrédients sur des animaux.
Le Tableau 1, ci-après, montre le nombre total d’animaux utilisés, sur cinq années comprises entre 1990 et 2001, pour tester des substances entrant principalement dans la fabrication des produits cosmétiques et des articles de toilette. Ces chiffres sont extraits des statistiques gouvernementales officielles.
Tableau 1
Statistiques gouvernementales relatives au nombre d’animaux utilisés pour tester des produits ou des substances chimiques destinées principalement à la fabrication de produits cosmétiques et d’articles de toilette, entre 1990 et 2001
Année
|
1990
|
1993
|
1997
|
1999
|
2001
|
Nombre total d’animaux
|
27 337
|
20 781
|
5 001
|
426 ou 286
|
2 591
|
Le Tableau 1 montre une diminution massive apparente du nombre de tests sur les animaux entre 1990 et 1997, avec une baisse encore plus considérable en 1999 puis une remontée en 2001. Pour 1999, le chiffre réel n’est pas clairement déterminé, du fait que les différents tableaux, dans les statistiques officielles, donnent deux totaux différents, à savoir, soit 426 soit 286 animaux.
Le chiffre de 1999 représente donc approximativement un centième du nombre d’animaux utilisés dix ans auparavant. Ni le gouvernement ni l’industrie n’ont fourni d’explications susceptibles de justifier cette évolution. Si des réductions similaires ont été observées dans certains autres pays d’Europe, il s’est toujours agi du résultat de la promulgation d’une interdiction, au niveau national, de tester les produits cosmétiques sur les animaux, comme cela s’est produit en Grande-Bretagne en 1997 – mais pas en France. Même l’augmentation de 500% observée entre 1999 et 2001 n’a pas empêché que le nombre d’animaux utilisés ne représente que 12% du chiffre de 1993.
Une disparité majeure dans les chiffres de 1999 publiés par les autorités françaises ressort plus clairement, à propos de l’utilisation des animaux, lorsque l’on distingue le secteur public et le secteur privé, comme le montre le Tableau 2 ci-après.
Pour 1999, on trouve dans les statistiques gouvernementales deux chiffres différents concernant le nombre d’animaux utilisés par le secteur privé : il s’agit des chiffres en italiques dans les colonnes séparées par un trait double dans notre Tableau 2. Il est évident que le gouvernement a fait une erreur. Le plus grand des deux chiffres, 426, est probablement la valeur ‘correcte’ – à supposer que l’on puisse véritablement se fier à l’une de ces deux valeurs.
Tableau 2
Statistiques gouvernementales relatives au nombre d’animaux utilisés pour tester des produits ou des substances chimiques destinées principalement à la fabrication de produits cosmétiques et d’articles de toilette, dans le secteur public et dans le secteur privé, entre 1990 et 2001
Année
|
1990
|
1993
|
1997
|
1999(1)
|
1999(2)
|
2001
|
||||||
Secteur
|
Privé
|
Public
|
Privé
|
Public
|
Privé
|
Public
|
Privé
|
Public
|
Privé
|
Public
|
Privé
|
Public
|
Nombre
d’animaux utilisés Pour chaque secteur |
26 262
|
1 075
|
20 377
|
404
|
4 803
|
198
|
164
|
262
|
24
|
262
|
2 445
|
146
|
Nombre total d’animaux
|
27 337
|
20 781
|
5 001
|
426
|
286
|
2 591
|
(1) Les chiffres de cette colonne sont établis à partir des statistiques officielles relatives à l’année 1999, Partie 2, Tableau 8. Enquête sur l’utilisation d’animaux vertébrés à des fins expérimentales en France. Statistiques 1999. Ministère de la Recherche.
(2) Les chiffres de cette colonne sont établis à partir des statistiques officielles relatives à l’année 1999, Partie 2, Tableau 3. Enquête sur l’utilisation d’animaux vertébrés à des fins expérimentales en France. Statistiques 1999. Ministère de la Recherche.
Notre Tableau 2 montre qu’en 1990, comme l’on pouvait s’y attendre, ce sont essentiellement les laboratoires du secteur privé qui ont utilisé des animaux pour tester des produits cosmétiques. Il en est de même pour 1993, mais il apparaît qu’en 1997, le secteur privé aurait utilisé moins d’animaux. Or, en 1999, de manière inexplicable, il semble que les laboratoires du secteur public aient réalisé davantage de tests de produits cosmétiques sur des animaux que ceux du secteur privé – qui apparemment n’auraient utilisé que 24 ou 164 animaux. Ce qui est tout à fait insensé.
Même si les statistiques montrent de nouveau une croissance du nombre d’animaux utilisés après 1999, cela n’explique toujours pas pourquoi, en l’absence d’interdiction de tester sur les animaux dans le domaine des cosmétiques, les chiffres de 2001 ne représentent que 12% de ceux de 1993. Le gouvernement pourrait avancer que la réduction globale est due à une utilisation accrue des méthodes substitutives de tests en remplacement des expérimentations sur les animaux. Cependant, les statistiques officielles montrent qu’en 2001, on pratiquait toujours des tests de DL 50 dans le domaine des cosmétiques (voir Tableau 3, ci-après), et ce, malgré la disponibilité de méthodes moins cruelles. Si l’industrie n’a même pas remplacé des méthodes létales de tests comme la DL 50 par des méthodes de tests moins cruelles pour les animaux, il y a vraiment peu de chances qu’elle ait entrepris de remplacer les tests sur les animaux par des méthodes in vitro.
Un certain nombre de gens émettent de sérieux doutes quant à la véracité des statistiques officielles.
OneVoice considère comme très peu probable que les producteurs d’ingrédients pour les cosmétiques aient réellement réduit de 88% leur utilisation d’animaux sur huit ans, apparemment sans que l’on ait pu observer la moindre avancée sur le plan technique ni sur le plan politique, ni la moindre interdiction de tester.
Si l’on suppose que l’industrie a réellement réussi à réduire de façon aussi remarquable le nombre d’animaux soumis à des tests, au cours d’une période pendant laquelle le marché des produits cosmétiques et des articles de toilette a continué à croître, alors il n’existe absolument aucune excuse pour s’opposer à des mesures d’interdiction de tester sur les animaux au niveau de l’Union Européenne. Pourtant, c’est très précisément ce qu’a fait le gouvernement français (voir plus haut).
Une explication plus vraisemblable de la réduction apparente de l’utilisation d’animaux est le fait que, l’opinion publique s’étant prononcée contre les tests sur les animaux, l’industrie des cosmétiques ait fait entrer ces tests dans une nouvelle classification. Une autre possibilité, si l’on sait que la collecte de statistiques relatives aux tests sur les animaux n’est pas obligatoire, est que certaines entreprises aient pu s’abstenir d’en produire.
Les espèces animales utilisées et les types de tests pratiqués en France
Depuis 1990, si l’on en croit les chiffres officiels, on n’a utilisé aucun chat, aucun chien et aucun primate dans les tests concernant les produits cosmétiques et articles de toilette. Les espèces les plus fréquemment utilisées ont été la souris, le rat, le cochon d’Inde, le lapin et le hamster. Tous ces animaux sont des êtres sensibles, c’est-à-dire capables d’éprouver la douleur et l’angoisse et de souffrir, comme le reconnaît la loi européenne protégeant les animaux de laboratoire .
Pour 2001, les statistiques gouvernementales indiquent l’utilisation de 843 cochons d’Inde, 680 lapins, 509 rats, 494 souris et 65 hamsters. Plus de sept sortes différentes de tests ont été réalisés sur ces animaux au nom de l’industrie de la beauté. Le Tableau 3 en donne l’illustration.
Tableau 3
Types de tests réalisés sur des animaux, qui concernent essentiellement les produits cosmétiques et articles de toilette, en 2001
Type de test
|
Tests DL 50 ou CL 50
|
Autres tests de toxicité létaux
|
Tests de toxicité Non létaux
|
Tests d’irritation
de la peau |
Tests d’ allergie
cutanée |
Tests d’ irritation
des yeux |
Toxicité sub-chronique & chronique
|
Autres
tests |
Total
|
Nombre d’animaux utilisés
|
210
|
262
|
74
|
450
|
1 213
|
142
|
128
|
112
|
2 591
|
Comme l’explique le chapitre 4, tous ces tests provoquent des souffrances et de l’angoisse, et cependant, en raison des différences entre espèces et de l’utilisation de doses irréalistes, il n’est pas possible de se fier à ces résultats pour protéger la santé humaine.
Le Tableau 3 montre qu’en 2001, bien que l’on dispose de méthodes valides moins cruelles – comme la méthode de la dose prédéterminée – 210 animaux ont subi des tests de CL 50 et de DL 50, calculés pour en tuer 50%. Dans d’autres expérimentations à court terme destinées à provoquer la mort, on en a utilisé 262, et 74 autres animaux ont subi des tests calculés pour entraîner des effets toxiques (par exemple la procédure de la dose prédéterminée).
142 animaux, probablement des lapins, ont subi l’application de substances à tester dans leurs yeux – malgré le fait que des tests sans recours à des animaux vivants aient été admis comme valides par les autorités françaises (voir chapitre 5). Dans des tests d’irritation de la peau, on a utilisé 450 animaux.
En 2001, 1.213 animaux ont subi des tests d’allergie cutanée. Les directives relatives aux tests d’allergie cutanée recommandent que l’on utilise les souris dans une procédure de tests moins cruelle (le local lymph node assay), plutôt que les cochons d’Inde dans les procédures de tests traditionnelles, plus cruelles. Cependant, d’après les statistiques gouvernementales, 494 souris seulement ont été utilisées, au total, dans les tests cosmétiques. Ce qui indique que l’on a utilisé des cochons d’Inde dans des tests inutilement cruels. Pour les tests à doses répétées, on a utilisé 128 animaux, et 112 animaux ont subi d’autres tests non précisés.
OneVoice demande au gouvernement de clarifier et d’expliquer cette diminution aussi considérable qu’improbable du nombre de tests sur animaux pour les produits cosmétiques et articles de toilette au cours de ces huit dernières années, ainsi que les incohérences des chiffres de 1999, et de publier des statistiques corrigées.
Chapitre 7
Conclusions et recommandations
Les expérimentations consistant à tester des ingrédients ou des produits cosmétiques sur des animaux infligent chaque année la douleur, l’angoisse et la mort à des milliers d’êtres sensibles. Cette activité, pratiquée au nom du commerce, est le fait d’une industrie qui produit et commercialise des biens de luxe n’ayant aucun caractère essentiel, et qui tire profit de la souffrance des animaux.
Dans l’ensemble de l’Europe, France comprise, une majorité du public a clairement montré qu’elle souhaitait la fin de ces tests sur les animaux. C’est un devoir pour un gouvernement de refléter la volonté de ses citoyens, aussi le gouvernement français devrait-il agir dans ce sens.
La validité des tests pratiqués sur les animaux, en tant que procédures scientifiques visant à prédire les réactions de l’organisme humain, est largement remise en cause, et c’est par la force de l’habitude et par convention que ces pratiques se poursuivent, plutôt que parce que l’on croit à leur fiabilité. Il serait essentiel d’orienter le financement et le savoir-faire vers le développement et la validation de nouvelles méthodes de tests, non cruelles et ne faisant pas souffrir les animaux au nom de la vanité. En attendant, l’industrie des cosmétiques devrait se servir du stock d’ingrédients existants pour la création de ses nouveaux produits.
OneVoice condamne les tests des ingrédients de cosmétiques pratiqués sur les animaux, en raison des souffrances que cela entraîne. Il se trouve aussi que les résultats de ces tests ne sont souvent pas applicables à l’être humain, en raison des différences entre les espèces et parce que ces tests sont mal conçus. Cela signifie que la sécurité des consommateurs peut se trouver compromise par certains ingrédients de produits cosmétiques qui semblent sans risques lorsqu’ils sont testés sur des animaux comme les rats, les souris ou les lapins.
OneVoice demande au gouvernement de mettre fin aujourd’hui même aux tests d’ingrédients de produits cosmétiques et d’articles de toilette sur les animaux.
Comme mesures transitoires, et pour promouvoir l’abolition des tests sur les animaux à l’échelle de l’Europe et du reste du monde, OneVoice énonce les recommandations suivantes à l’attention du gouvernement français, des députés européens et de l’industrie :
– Le gouvernement et l’industrie des cosmétiques ayant fait en sorte que les animaux continuent de souffrir au nom de la vanité, c’est à eux qu’incombe la responsabilité de consacrer le maximum de ressources financières et humaines à un programme national de développement et de validation des méthodes substitutives.
– Il faut que le gouvernement renonce à sa tentative de perpétuer la souffrance et la mort des animaux, et qu’il retire sa plainte contre la Commission européenne à propos de la septième révision de la Directive sur les cosmétiques. Il existe déjà plus de 8.000 ingrédients considérés comme sans risques et qui peuvent être utilisés pour développer de nouveaux produits, en attendant de disposer de méthodes substitutives de tests dans tous les domaines.
– Il faut que le gouvernement français, ainsi que les autres instances dirigeantes nationales partout en Europe, fassent savoir aux laboratoires qu’un reclassement des tests pratiqués sur les animaux pour contourner l’interdiction de tester relative aux cosmétiques serait inacceptable, et que procéder de la sorte constituerait une trahison vis-à-vis de ce que veut l’opinion publique.
– Il faut que le gouvernement clarifie et explique la diminution aussi considérable qu’improbable du nombre de tests pratiqués sur les animaux pour les produits cosmétiques et articles de toilette au cours de ces huit dernières années, ainsi que les incohérences des chiffres de 1999, et qu’il publie des statistiques corrigées.
– IL faut que les députés français du Parlement européen saisissent toutes les opportunités de soutenir le projet d’interdiction, et qu’ils fassent pression pour que l’Union Européenne consacre davantage de fonds au développement des méthodes substitutives.
– En tant qu’Etat membre, la France devrait intervenir plus activement pour la promotion d’une intégration rapide des méthodes substitutives valides dans les Lignes directrices de tests de l’OCDE.
– Il faut que le SCCNFP ne limite pas son acceptation des statistiques de tests aux seuls tests substitutifs qui ont reçu l’aval réglementaire au niveau européen, surtout si les retards, en la matière, sont imputables à la bureaucratie. Si le SCCNFP est convaincu qu’une méthode substitutive de test est scientifiquement valide, il ne devrait pas attendre l’agrément de l’Union Européenne (il devrait d’ailleurs s’employer à faciliter cet agrément).
– Il faut que les représentants français au SCCNFP réclament que soient admises par tous les Etats membres de l’Union Européenne les statistiques produites par ces méthodes non cruelles.