Introduction
La France est un pays d’amateurs d’animaux domestiques. Elle compte la plus grande population d’animaux domestiques en Europe, avec plus de 10 millions de chiens et 8 millions de chats dans les foyers français. Cependant, partout en France, derrière les portes bien fermées des laboratoires, est dissimulé le pire des secrets. Chaque année, notre pays maltraite et tue des milliers de chats et de chiens* au nom de la science. Il en utilise même davantage que n’importe quel autre pays de l’Union européenne…
Les études pour lesquelles on utilise des chats ou des chiens concernent notamment la recherche fondamentale sur l’organisme et la compréhension des pathologies pouvant l’affecter. Il s’agit d’expériences motivées par la curiosité et censées aider la recherche médicale humaine… Il est donc particulièrement étonnant qu’elles soient réalisées sur des animaux ! Ces recherches sont financées en grande partie par le contribuable, mais elles sont pratiquées dans un relatif secret. Ces travaux n’ont aucune obligation de déboucher sur de nouveaux traitements et certains programmes de recherche se poursuivent plusieurs années sans productivité apparente…
Quoi qu’il en soit, les animaux utilisés dans ces expériences subissent des procédures douloureuses telles que des actes chirurgicaux et des expositions à des substances toxiques. Ces animaux n’ont jamais la possibilité de s’aventurer à l’extérieur ni de se blottir contre leur maître. Ils ne retrouvent aucun foyer le soir. Au contraire, ils passent toute leur existence, souvent brève, dans de petites cages, privés de lumière naturelle et parfois de toute compagnie. Leurs seuls contacts avec les humains se limitent généralement aux prélèvements sanguins et aux autres procédures pratiquées sur eux. Ils souffrent des conséquences des expériences puis ils sont tués.
Dans ce rapport, nous présentons une série d’études sur des chiens et des chats réalisées au cours des deux dernières années par des organismes français. Dans ces études, on provoque délibérément des infarctus chez des chiens conscients, on les empoisonne ou on leur greffe des corps contaminés dans le cœur. Dans ces études, on provoque aussi de façon délibérée des lésions dans le cerveau des chats, puis on les oblige à marcher sur un cylindre rotatif… Et la plupart sont financées par les contribuables français, souvent par le biais de bourses publiques.
Ces études donnent une idée non seulement de la sévérité des expériences pratiquées sur les animaux et des souffrances qu’ils endurent, mais aussi de l’absurdité d’une grande partie de ces travaux, aussi répétitifs qu’infructueux. Aucune des études dont il est question ici n’a directement mené à un remède pour les humains. Elles n’ont fait que soulever davantage de questions, engendrer plus de travail pour les chercheurs et impliquer davantage encore de tests sur des animaux.
D’après un sondage réalisé par One Voice en 2003, 72 % des français se déclarent opposées à toute forme d’expérimentation sur les chiens et sur les chats.
De façon évidente, les institutions françaises, le gouvernement et les organismes financeurs ne se soucient donc pas de ce que veut la population. Mais ne pensez¬vous pas que nous devrions au moins avoir notre mot à dire sur les recherches effectuées en notre nom et avec notre argent ?
* 5 539 chiens et 1 313 chats en 2004 selon les chiffres transmis à l’Union européenne en 2005, le nombre total d’animaux utilisés en France en 2004 s’élevant à 2 325 398.
1. Des infarctus provoqués chez les chiens
LIEU : Divers organismes de recherche médicale à Paris, notamment un organisme public de recherche, un centre hospitalier universitaire et une faculté de médecine.
FINANCEMENT : bourses publiques, privées et européennes.
Les chercheurs d’une faculté de médecine française étudient les changements se produisant au niveau du cœur au moment d’un infarctus. Cependant, au lieu de faire porter leur étude sur des patients humains, ils utilisent des chiens. Depuis 2006, ils ont déclaré avoir utilisé plus de 100 chiens dans des expériences épouvantables et répétitives, consistant à provoquer des attaques cardiaques chez des chiens bien portants, tandis qu’ils sont tout à fait conscients.
Dans l’une de leurs études, 18 chiens de lignée et provenance inconnues – d’où provenaient¬ils ? – ont subi des opérations à cœur ouvert. On leur a implanté dans le cœur divers appareillages afin de mesurer la pression sanguine et l’épaisseur des parois du cœur (1). On leur a implanté également un collier de serrage contrôlable à distance pour neutraliser une des principales artères arrivant au cœur, afin de provoquer un infarctus. On sait que la chirurgie à cœur ouvert est extrêmement douloureuse et qu’il faut un certain nombre de semaines pour s’en remettre. Or seulement trois semaines après l’opération, les chiens ont été immobilisés sur une table et on leur a infligé une attaque cardiaque durant 10 minutes. Pour cela, on a refermé le collier de serrage sur l’artère alors que les chiens étaient tout à fait conscients. Il en est résulté une interruption temporaire des contractions normales du cœur, un phénomène appelé sidération myocardique. Chez l’être humain, cela entraînerait non seulement une douleur extrême au niveau de la poitrine mais aussi une forte anxiété, une nausée et un essoufflement. On a mesuré la capacité du cœur à récupérer de cet état induit. Une partie de ces chiens ont reçu un médicament directement dans le cœur à partir d’un cathéter externe. D’autres ont été tués 24 heures après l’infarctus pour pouvoir examiner leur cœur. Chez d’autres encore, plus malchanceux, on a provoqué un nouvel infarctus.
Malheureusement, l’intérêt de ces expériences n’est pas évident : le phénomène de sidération myocardique et ses effets sont déjà connus (2) et ont déjà été étudiés chez des patients humains (3). Ces chercheurs veulent étudier plus en détail le mécanisme et la pathologie correspondante, mais on ne voit pas bien quelle est la finalité de ces recherches. Ils ont choisi d’étudier ce phénomène chez des chiens, mais ce n’est pas valable d’un point de vue scientifique puisqu’il s’agit d’animaux jeunes et bien portants, ce qui n’est pas le cas de la plupart des personnes victimes d’infarctus. Par ailleurs, en provoquant un infarctus de façon complètement artificielle, il n’y a aucun espoir de refléter la réalité complexe de la pathologie chez l’être humain. Une partie importante de cette étude avait déjà été réalisée dans d’autres études (4-6), et la partie nouvelle concernait une étude in vitro du tissu cardiaque, similaire aux études antérieures réalisées à l’aide de prélèvements effectués chez des patients humains (7).
Loin de permettre de sauver des vies, ces expériences d’une cruauté incroyable procèdent plutôt de l’examen répétitif d’un modèle animal créé artificiellement, une pratique d’un intérêt limité et sans rapport direct avec les études et les traitements chez l’être humain.
(1) The inotropic adaptation during late preconditioning against myocardial stunning is associated with an increase in FKBP12.6. Cardiovasc Res. 2007;73(3):560¬7.
(2) Pathophysiology of hibernation, stunning, and ischemic preconditioning. Thorac Cardiovasc Surg 46: Suppl 2;255¬62; discussion 263, 1998.
(3) Incidence and characteristics of segmental postsystolic longitudinal shortening in normal, acutely ischemic, and scarred myocardium. J Am Soc Echocardiogr 16: 415–423, 2003.
(4) Reduced subendocardial ryanodine receptors and consequent effects on cardiac function in conscious dogs with left ventricular hypertrophy. Circ Res 84: 999–1006, 1999.
(5) Effects of ryanodine on cardiac contraction, excitation–contraction coupling and “Treppe” in the conscious dog. J Mol Cell Cardiol 27: 2111–211, 995.
(6) Expression of calcium regulatory proteins in short¬term hibernation and stunning in the in situ porcine heart. Cardiovasc Res 37: 606–17, 1998.
(7) PKA phosphorylation dissociates FKBP12.6 from the calcium release channel (ryanodone receptor): defective regulatiion in failing hearts. Cell 101:365¬76, 2000.
2. Des chats au cerveau lésé dont on teste l'équilibre
LIEU : Plusieurs universités et un organisme public de recherche
FINANCEMENT : bourses publiques et européennes
Dans cette étude, les chercheurs ont sectionné des nerfs qui contrôlent l’équilibre, au niveau des oreilles des chats, afin d’en observer les conséquences. Les chats ont perdu le sens de l’équilibre et sont devenus incapables de traverser un cylindre rotatif. Or, une telle opération avait déjà été réalisée chez l’humain, ce qui rendait ces expériences non seulement cruelles mais inutiles.
Ces chercheurs utilisent des chats pour caractériser ce qui se produit quand les nerfs vestibulaires sont détériorés et la façon dont les troubles associés s’améliorent progressivement à mesure que l’organisme compense. Le système vestibulaire est situé à l’intérieur de l’oreille et contrôle l’équilibre, la vision et le mouvement. Des lésions des nerfs vestibulaires provoquent des troubles visuels, des sensations d’étourdissement et de vertige (maladie de Meniere) et dans les cas graves – quand les nerfs sont sectionnés – des troubles de l’équilibre et du mouvement. D’après leurs rapports, ces chercheurs ont pratiqué cette procédure depuis 2006 sur près de 150 chats, qu’ils ont ensuite tués pour en examiner le cerveau.
Dans l’une de leurs études, les chercheurs ont obtenu de leur fournisseur (un centre d’élevage) 24 chats âgés de deux ans. Ils ont voulu évaluer les effets de lésions nerveuses chirurgicales sur l’aptitude des chats à traverser un cylindre (1). Pour inciter les chats à s’avancer sur le cylindre, on les fait jeûner pendant 24 heures et on leur offre de la nourriture en récompense quand ils le traversent. L’expérience a été répétée une heure par jour pendant 10 jours. Les chercheurs ont ensuite fait tourner le cylindre, pour que les chats puissent plus difficilement se tenir en équilibre dessus. Ils l’ont fait tourner de plus en plus vite, jusqu’à ce que les chats en tombent. Ils ont ainsi pu déterminer jusqu’à quelle vitesse ils pouvaient faire tourner le cylindre sans provoquer de chute. Les chats tombaient dans un filet disposé sous le cylindre.
Les chercheurs ont ensuite sectionné les nerfs vestibulaires des chats en forant dans leurs oreilles. Après cette opération, les chats souffraient de mouvements involontaires des yeux (nystagmus), leur tête déviait vers le côté, ils perdaient l’équilibre et tombaient. Durant trois jours, ils ont été malades. Sans surprise, pendant au moins une semaine, ils n’ont plus été capables de traverser le cylindre. Le système vestibulaire étant étroitement lié au système de réaction au stress, les chercheurs en ont conclu que les chats étaient victime d’un stress supplémentaire à l’anxiété éprouvée en se retrouvant soudainement incapables d’évoluer normalement. Ils ont ensuite tué les chats, 1 jour, 1 semaine, 1 mois et 3 mois après l’opération, afin d’observer si de nouvelles cellules nerveuses avaient été développées par le cerveau pour compenser les dégradations subies. Pour ce faire, ils ont anesthésié les chats puis leur ont injecté du formaldéhyde (ou formol) qui permet de conserver les organismes morts alors que leur cœur battait encore…
Dans une autre expérience, ils ont utilisé 40 autres chats dans la tête desquels ils ont implanté un dispositif permettant de fixer des électrodes aux coins des yeux (2). Après que leurs nerfs aient été sectionnés, ces chats ont été placés dans un hamac, la tête immobilisée de telle sorte que les chercheurs puissent compter le nombre de clignements d’yeux. À la fin de l’expérience, ces pauvres chats ont été anesthésiés puis décapités alors qu’ils vivaient encore.
Malheureusement, rien n’explique que ces chercheurs aient jugé utile de sacrifier des chats, quand des êtres humains malades subissent des ablations de nerfs, par exemple en cas de tumeur cérébrale ou de maladie de Meniere… Des études similaires à ces expériences aberrantes sur des chats ont d’ailleurs déjà été pratiquées sur des humains volontaires, selon des procédés non invasifs, pour observer l’effet du sectionnement de nerfs sur l’équilibre, la vision et la façon dont les patients compensent (3-5). Compte tenu de la possibilité d’étudier directement les effets de ce type de lésions sur des patients humains, il est incompréhensible que des chats aient à subir ce type d’expériences cruelles à répétition. Cela ne contribue en rien à l’amélioration de nos connaissances sur ce système. On ne comprend même pas en quoi elles sont nécessaire ! Et pourtant, combien de chats vont encore souffrir et mourir pour satisfaire la curiosité de ces chercheurs ?
(1) Stress axis plasticity during vestibular compensation in the adult cat. Neuroscience 160: 716¬730, 2009.
(2) Histaminergic ligands improve vestibular compensation in the cat: behavioural, neurochemical and molecular evidence. Eur J Pharmacol 568:149¬63, 2007.
(3) The acute effects of unilateral vestibular neurectomy on sensory and motor tests of human otolithic function. Acta Otolaryngol Suppl 481:5¬10, 1991.
(4) Changes of visual vertical perception: a long¬term sign of unilateral and bilateral vestibular loss. Neuropsychologia 45: 2025¬37, 2007.
(5) Unilateral vestibular failure suppresses cortical visual motion processing. Brain 131:1025¬34, 2008.
3. Des chiens contaminés par le MRSA
LIEU : Diverses structures hospitalières et universitaires
FINANCEMENT : privé, producteurs des implants
Dans cette étude, on a cousu un implant imprégné d’argent antibactérien dans l’aorte de 28 chiens. On leur a ensuite injecté le staphylocoque doré (MRSA)ou la bactérie E.coli pour voir si ce revêtement résistait à l’infection. Or, des implants comme celui-ci ont déjà été testés chez des malades. Cette expérience choquante aurait-elle été réalisée dans le seul but de disposer d’arguments supplémentaires pour la promotion commerciale des implants imprégnés d’argent ?
Les infections d’implants par des bactéries mortelles comme MRSA et E. coli sont une complication rare mais grave chez les patients traités par chirurgie cardiaque. Pour tenter de prévenir ces infections, les laboratoires pharmaceutiques ont mis au point des implants artificiels imprégnés d’antibiotiques. Cette étude est un exemple d’expérimentation de type « preuve du concept » réalisée sur des chiens en vue de « prouver » la viabilité des implants imprégnés.
Des chercheurs ont obtenu 12 chiens bâtards d’origine et d’âge inconnus (1). On ignore où ils les ont obtenus (!). Il ne s’agissait pas de beagles élevés à dessein, car les chercheurs voulaient réaliser cette étude sur des animaux « plus naturels, non aseptisés ». Les chiens ont été installés dans des cages, puis ils ont subi une opération chirurgicale au cours de laquelle un ou deux implants ont été utilisés pour remplacer une petite section de l’aorte (la principale artère partant du cœur). Six chiens ont reçu un implant imprégné de deux antibiotiques et les six autres un implant simple, en guise de contrôle. Les 12 chiens ont été contaminés par la bactérie MRSA, au moyen d’un tampon appliqué sur l’implant au moment de sa fixation. Ces chiens n’ont reçu aucun antibiotique, contrairement aux malades atteints de pathologie cardiaque.
Les chiens ont ensuite été replacés dans leurs cages et ont fait l’objet d’un suivi. Il a fallu tuer un des chiens du groupe de contrôle au bout de 6 jours car il était mal en point et souffrait d’hémorragies internes. Tous les autres chiens ont été tués le 7e jour, et leurs implants ont été examinés. Quatre autres chiens présentaient des gonflements autour de la région de l’implant. Cinq des six chiens du groupe de contrôle présentaient une infection de MRSA dans leurs implants. Les auteurs ont conclu que les implants aux antibiotiques avaient permis d’empêcher l’infection par le MRSA. Dans une autre étude réalisée un an plus tard, 28 beagles ont été utilisés et tués dans le cadre d’une étude similaire pour comparer les effets des implants imprégnés d’antibiotiques et des implants imprégnés d’argent (2).
Pourquoi a¬t¬on réalisé ces études, alors que le même type d’implants imprégnés d’antibiotiques est déjà utilisé chez des patients humains depuis 1991 (3), qu’une étude similaire a été réalisée avec des chiens pour le même implant imprégné d’antibiotiques en 1989 (4) et que le même implant imprégné d’argent a déjà été testé avec succès chez des patients lors d’essais cliniques effectués en 2000 (5) ? Ces études sur des chiens auraient¬elles été réalisées non pas par défaut d’alternative existante, mais pour accumuler rapidement et à moindre coût des arguments commerciaux en faveur de ces implants ? Comment de telles expérimentations cruelles et sans objet peuvent¬elles donc se justifier dans le droit français ?
(1) Prevention of Staphylococcus aureus graft infection by a new gelatin¬sealed vascular graft prebonded with antibiotics. J Vasc Surg 46: 1026¬31, 2007.
(2) Efficacy of collagen silver-coated polyester and rifampin¬soaked vascular grafts to resist infection from MRSA and Escherichia coli in a dog model. Ann Vasc Surg 22:815¬21, 2008.
(3) The clinical use of an antibiotic bonded graft. Eur J Vasc Surg. 5:627¬32, 1991.
(4) Tobramycin adhesive in preventing and treating PTFE vascular graft infections. J Surg Res 4: 487¬92, 1989.
(5) InterGard silver bifurcated graft: features and results of a multicenter clinical study. J Vasc Surg 44:339¬46, 2006.
4. Des chiens rendus obèses et forcés à absorber du thé vert
LIEU : organismes publiques hospitalo-universitaire et vétérinaire
FINANCEMENT : public
Au sein de ces organismes, des chercheurs étudient l’obésité sur des beagles maintenus en captivité. Ils engraissent ces chiens volontairement, puis ils étudient l’effet de l’obésité sur leur organisme. Dans cette étude ahurissante, ils ont obligé les chiens obèses à absorber du thé vert pour voir si cela permettait de réduire leurs taux de cholestérol et d’insuline.
La possibilité d’améliorer la santé humaine grâce aux aliments d’origine végétale suscite un intérêt croissant. Malheureusement, une grande partie des recherches sont réalisées en utilisant des animaux. En effet, de telles études sont plus rapides et coûtent moins cher que des études de diététique sur l’humain. Des chercheurs ont voulu voir si le thé vert exerçait une influence positive en cas de diabète. Ils ont donc soumis 10 beagles à un régime très riche en graisses pendant 6 mois, ce qui les a rendus obèses – ils ont atteint une fois et demie le poids d’un chien normal – et diabétiques (1). Ensuite, durant 12 semaines, on a obligé ces chiens à absorber avant leur repas une capsule contenant du thé vert. Des prélèvements sanguins ont été pratiqués chaque semaine au niveau de leur veine jugulaire. Ils ont également dû, à deux reprises, recevoir de l’insuline humaine par intraveineuse dans une patte pendant 3 heures, tandis que du sang était prélevé de leur veine jugulaire toutes les 5 à 10 minutes. Ces chiens ont aussi dû subir des biopsies du foie, des prélèvements chirurgicaux de tissus adipeux de l’abdomen et de tissu musculaire des pattes, avant et après l’expérience.
Or ces chercheurs reconnaissent que le rôle du thé vert dans le renforcement de la sensibilité à l’insuline chez l’homme a déjà été établi (2-3) ! Ils ont justifié le besoin de réaliser cette étude en invoquant des résultats contradictoires obtenus dans des études similaires sur des rats… Pourtant, les humains boivent déjà du thé vert. Comment alors justifier un retour à des études sur des animaux, sachant que c’est la réaction chez l’humain qui présente un intérêt ?
Dans une autre étude, ils ont voulu voir l’effet d’une perte de poids sur l’expression d’un gène chez des chiens obèses. Ils ont donc procédé à une expérimentation similaire sur 7 autres chiens obèses, en leur faisant cette fois perdre du poids grâce à un régime hypocalorique représentant seulement 60 % de la quantité de calories recommandée pour des chiens normaux (4). En l’espace de 3 mois, les chiens ont rapidement perdu du poids. Ensuite, ils ont dû subir des prélèvements sanguins ainsi que les expérimentations décrites précédemment. Par ailleurs, ils ont été mis séparément dans des cages durant 5 heures pour que l’on puisse calculer avec précision leur masse corporelle.
Pourtant, les personnes en surpoids qui auraient pu servir à cette étude ne manquent pas, malheureusement. Non seulement ils auraient ainsi évité de faire délibérément souffrir des chiens, mais ils auraient obtenu des résultats directement exploitables pour l’être humain. En fait, une étude quasiment semblable a déjà été réalisée – avec la même source publique de financement – durant un programme d’amaigrissement sur des humains volontaires, au cours de laquelle des prélèvements de sang et de tissus ont étépratiqués (5). Comment cet organisme d’aide à la recherche peut¬il ne pas se rendre compte que ces expérimentations sur des chiens sont injustifiables ?
(1) Effects of green tea on insulin sensitivity, lipid profile and expression of PPARalpha and PPARgamma and their target genes in obese dogs. Br J Nutr style= » » /> (2) Effect of green tea on blood glucose levels and serum proteomic patterns in diabetic (bd/db) mice and on glucose metabolism in healthy humans. BMC Pharmacol 4: 18, 2004.
(3) Effects of green tea consumption on inflammation, insulin resistance and pulse wave velocity in type 2 diabetes patients. Diabetes Res Clin Pract 71: 356¬8, 2006.
(4) Adipose tissue gene expression in obese dogs after weight loss. J Anim Physiol Nutr style= » » /> (5) Macrophages and Adipocytes in Human Obesity: Adipose Tissue Gene Expression and Insulin Sensitivity during Calorie Restriction and Weight Stabilization. Diabetes. 2009 Apr 28. [Publication électronique précédant l’édition papier]
5. Des chiens empoisonnés
LIEU : laboratoire réputé privé
FINANCEMENT : privé
Les chiens sont utilisés en grand nombre pour tester l’innocuité des médicaments destinés à l’homme. La France a fait état de l’utilisation de 2 623 chiens pour ces études en une seule année (1). On utilise des chiens même pour tester l’innocuité des produits chimiques utilisés dans l’agriculture. Toutes ces études consistent à forcer des chiens à absorber de fortes doses d’une substance et à voir de quelle façon cela les affecte. Ces études peuvent durer de quelques semaines à 2 ans. Durant cette période, non seulement ces animaux endurent une existence difficile, enfermés dans un désolant chenil intérieur, mais ils subissent les effets secondaires des substances, lesquels peuvent être graves et même fatals.
Dans cette étude, un laboratoire pharmaceutique réputé qui utilise des animaux, a testé sur des beagles un type de substance déjà connu pour provoquer de graves effets secondaires chez l’humain et chez d’autres animaux (l’inhibiteur PDE4) (2). Sous prétexte que ce type de substances est considéré comme un traitement potentiel de l’asthme et d’autres affections respiratoires, ce laboratoire a trouvé important d’en « caractériser » les effets toxiques chez des chiens, bien que les mêmes recherches aient déjà été pratiquées avec des rats.
À cette fin, le laboratoire a acheté 19 beagles à un fournisseur et les a isolés dans des cages individuelles, ce qui est contraire aux bonnes pratiques en matière d’hébergement de chiens (3). Bien que la substance concernée soit connue pour provoquer chez d’autres espèces des inflammations et de graves lésions au niveau des organes internes, les chercheurs l’ont tout de suite testée sur les chiens à la plus forte dose. On a administré de force la substance aux chiens en l’injectant directement dans leur estomac par un tuyau, durant quatre jours consécutifs. Une partie des chiens a été tuée le cinquième jour, les autres ont été gardés vivants pendant encore quatre semaines. Durant cette période, les chiens ont subi de multiples prélèvements sanguins. Ils ont ensuite été tués. En examinant leurs tissus, les chercheurs ont découvert de graves lésions internes au niveau des vaisseaux sanguins, des inflammations, des hémorragies internes et des gonflements. Des dégâts similaires ont été observés dans les tissus du cœur, de l’estomac, des reins, du foie et plus particulièrement des voies nasales, des poumons et du scrotum. Les chiens mâles ont été davantage affectés que les femelles, et les chercheurs ont constaté que les organes atteints n’étaient pas les mêmes que chez les rats.
Ainsi donc, ces chercheurs ont observé des différences significatives d’un sexe à l’autre et d’une espèce à une autre en ce qui concerne la réaction à cette substance, mais ils n’ont pas expliqué en quoi cela était important. Plus grave encore, ils n’ont pas non plus expliqué que chez l’être humain, ce type de substance provoque des réactions complètement différentes, à savoir des malaises et des vomissements (4), et qu’il est même considéré comme un anti-inflammatoire (5) ! Ces chercheurs tentaient-ils – en vain – de montrer que les chiens réagissent de la même manière à cette substance que les humains ? Il est affligeant de devoir se dire qu’une telle étude aura occasionné à ces chiens des souffrances extrêmes, sans pour autant servir à grand chose, si ce n’est à souligner le fait que des espèces différentes réagissent de manière différente à une substance donnée…
(1) Cinquième rapport de la Commission au Conseil et au Parlement européen sur les statistiques concernant le nombre d’animaux utilisés à des fins expérimentales et à d’autres fins scientifiques dans les États membres de l’Union européenne, COM/2007/675 final.
(2) Characterisation of the vascular and inflammatory lesions induced by the PDE4 inhibitor CI¬1044 in the dog. Toxicol Lett 17:, 15¬22, 2008.
(3) Refining dog husbandry and care. Eighth report of BVAAWF/FRAME/RSPCA/UFAW joint working group on refinement. Lab Anim 38: suppl 1, 2004.
(4) PDE4 inhibitors: current status. Br J Pharmacol 155; 308¬15, 2008.
(5) Therapeutic benefit of PDE4 inhibitors in inflammatory disease. Curr Opin Investig Drugs 8: 364¬72, 2007.
6. Des élevages de chiens anormaux
LIEU : Organismes publics vétérinaire et hospitalo-universitaire
FINANCEMENT : public, associatif et européen
Des chercheurs élèvent à dessein des chiots atteints d’un certain type de dystrophie musculaire et les observent afin de produire un modèle de pathologie humaine sur lequel tester de nouveaux médicaments. La dystrophie musculaire est une maladie débilitante qui fait fondre les muscles, rend infirme et peut même provoquer la mort.
Depuis 20 ans, des chercheurs élèvent des chiens golden retrievers dans le but d’isoler le gène responsable de la dystrophie musculaire. Les chiots qui possèdent ce gène développent vers l’âge d’un mois des symptômes très similaires à ceux observés chez les très jeunes garçons atteints de la dystrophie musculaire de Duchenne (DMD). Les muscles fondent progressivement et des déformations du squelette apparaissent, entraînant une incapacité à marcher et même à se tenir debout. La partie postérieure de la langue enfle, comme chez les malades humains, si bien que les chiots ne peuvent plus s’alimenter correctement : ils commencent à baver et à régurgiter leur nourriture. Leur respiration devient laborieuse et ils sont obligés de faire de l’hyperventilation pour avoir assez d’oxygène dans les poumons. Ils deviennent prédisposés à la pneumonie et finissent par mourir d’insuffisance cardiaque avant même d’avoir atteint l’âge d’un an. Contrairement à l’être humain, les chiens atteints de DMD meurent d’insuffisance respiratoire généralisée peu de temps après la naissance (1).
Dans cette étude, les chercheurs ont élevé six chiots normaux et six chiots atteints (2). Lorsque les chiots ont eu deux mois, les chercheurs ont évalué la gravité de leurs symptômes, puis ils les ont anesthésiés pour pouvoir mesurer la fonte musculaire à l’aide d’un appareil d’imagerie. Les mêmes chiots ont probablement été utilisés dans d’autres études, car on utilise de plus en plus les chiots atteints de DMD comme « modèles » de la maladie humaine pour tester des traitements potentiels. Malheureusement, les chercheurs n’ont pu trouver aucune corrélation entre la gravité des symptômes chez les chiots et les mesures de fonte musculaire données par l’appareil. Les chiots étaient peut¬être trop jeunes, ou peut¬être est¬ce parce que la gravité des symptômes est connue pour être variable chez les chiots atteints de DMD (3).
Bien que ce modèle soit connu depuis plus de 20 ans et malgré tout un battage, en particulier à propos d’éventuels traitements à base de cellules souches et de thérapie génique, il n’existe pas encore de traitement pour la DMD. Une autre étude similaire sur des chiots atteints de DMD a été très critiquée pour n’avoir pas été contrôlée convenablement, les chercheurs ayant même incité les chiens en cours de traitement à mieux marcher devant les caméras (4). Outre l’objection morale que l’on pourrait émettre au fait d’élever délibérément un animal en sachant qu’on va le faire souffrir et mourir, il est évident que les chiots atteints de DMD ne sont pas un bon modèle de la pathologie humaine et qu’ils n’ont pas permis de trouver des traitements. L’étude a plutôt suscité de faux espoirs chez des personnes qui souffrent de ce mal. Combien de chiens va¬t¬on encore faire naître pour les faire souffrir, avant que les chercheurs et les financeurs se rendent compte que tout cela n’est qu’une perte de temps et d’argent ?
(1) Muscle lesions associated with dystrophin deficiency in neonatal golden retriever puppies. J. Comp. Pathol 126: 100¬111, 2002.
(2) Characterisation of dystrophic muscle in golden retriever muscular dystrophy dogs by nuclear magnetic resonance imaging. Neuromusc Dis 17: 575¬84, 2007.
(3) The value of mammalian models for duchenne muscular dystrophy in developing therapeutic strategies. Curr Top Dev Biol 84:431¬53, 2008.
(4) Stem cell treatment of dystrophic dogs. Nature 450: discussion E23¬5, 2007.
7. Des chats qui dorment avec des électrodes plantées dans le cerveau
LIEU : Une université
FINANCEMENT : public, universitaire, européen et associatif.
Les chercheurs ont voulu étudier l’apnée obstructive du sommeil, qui provoque des troubles du sommeil chez l’être humain, mais ils ont décidé d’utiliser plutôt des chats, bien que la structure de leur cavité buccale et de leur gorge ne soit pas la même que chez l’homme. Ils leurs ont implanté des électrodes dans le cerveau et les ont observés pendant leur sommeil, après leur avoir injecté diverses substances. Pourtant, ailleurs, des expériences similaires sont réalisées sur des humains volontaires…
L’apnée du sommeil est un trouble provoqué par l’affaissement de la voie respiratoire supérieure au cours du mouvement oculaire rapide (MOR) lors du sommeil paradoxal. Ce phénomène est provoqué par la baisse d’activité d’un muscle situé à l’arrière de la gorge et appelé le genioglossus (GG). Les personnes atteintes par ce syndrome souffrent d’interruptions du sommeil. Elles se réveillent de façon intempestive pour pouvoir respirer correctement.
Ces chercheurs ont voulu mesurer l’activité du GG chez des chats pendant leur sommeil. Ils ont injecté plusieurs neurotransmetteurs différents directement dans leur cerveau pour voir quel effet cela pourrait avoir sur l’activité du GG. Pour ce faire, ils ont utilisé six chats qui avaient été élevés au sein même du laboratoire (1). Ils leur ont implanté par voie chirurgicale des électrodes dans le GG, à l’arrière de la gorge, des sondes de micro¬dialyse directement dans le cerveau, ainsi que des électrodes EEG à la surface du cerveau, des yeux et du cou. Pour le reste de l’étude, les chats ont été isolés individuellement dans des chambres d’enregistrement faiblement éclairées et insonorisées. Tous les quatre jours, des sondes étroites ont été introduites dans les tubes de micro¬dialyse implantés dans leur tête, de manière à pouvoir faire pénétrer les substances dans leur cerveau. Pendant 2 jours, on a observé leur comportement et des enregistrements ont été faits pendant qu’ils étaient éveillés et pendant qu’ils dormaient. À la fin de l’expérience, les chats ont été anesthésiés puis conservés dans du formol alors que leur cœur battait toujours… On a examiné leur cerveau pour voir où les sondes de micro¬dialyse avaient réellement été introduites : il a fallu écarter les résultats concernant un des chats, car les sondes n’avaient pas été introduites au bon endroit.
C’est d’autant plus dommage pour ces chats, qu’il est possible d’étudier l’apnée du sommeil chez l’être humain. En effet, des chercheurs ont récemment étudié les variations de l’activité cérébrale chez des patients endormis, à l’aide d’appareils d’imagerie spectroscopique à résonance magnétique. Ils ont constaté que la diminution de la quantité d’oxygène parvenant au cerveau affectait les niveaux de substances chimiques importantes pour ce dernier (2). Dans une autre étude, on a observé les effets d’une substance particulière sur l’apnée du sommeil chez des malades pour déterminer la cause de leur trouble. Ces patients s’étaient portés volontaires pour dormir en laboratoire pendant que des médicaments leur seraient injectés et que leur sommeil et leur respiration seraient observés (3).
Plus troublant encore est le fait que des chercheurs aient récemment réalisé une étude pratiquement identique à cette étude sur des chats, dans laquelle des volontaires humains ont accepté que des électrodes soient introduites dans leur GG pour contrôler l’activité de celui¬ci pendant leur sommeil (4). Il est certainement préférable, et de loin, de réaliser de telles études sur des patients souffrant réellement de ce trouble. Cela permet d’obtenir des informations pertinentes concernant directement l’être humain et d’éviter les complications qu’entraînent les différences entre l’humain et le chat en termes de structure de la cavité buccale et de la gorge et en termes de phases de sommeil. Pourquoi infliger à des chats des expériences invasives aussi terribles, alors même qu’ailleurs, des chercheurs procèdent à des études similaires sur des êtres humains, selon des techniques non invasives ?
(1) Application of histamine or serotonin to the hypoglossal nucleus increases genioglossus muscle activity across the wake¬sleep cycle. Sleep Res 18:113¬21, 2009.
(2) Dynamic changes in brain bioenergetics during obstructive sleep apnea. J Cereb Blood Flow Metab. 13 mai 2009. [Publication électronique précédant l’édition papier]
(3) Abnormally increased nitric oxide synthesis and increased endothelin¬1 in plasma in patients with obstructive sleep apnoea. Scand J Clin Lab Invest 68:375¬85, 2008.
(4) Airway dilator muscle activity and lung volume during stable breathing in obstructive sleep apnea. Sleep 32: 361¬8, 2009.