Au moment où nous apprenons que l’élevage de 4 000 beagles à Blyes dans l’Ain n’ouvrira pas ses portes – quelle joie ! –, un scandale majeur vient de frapper l’un des plus gros laboratoires européens testant sur les animaux : HLS (Huntingdon Life Sciences) en Angleterre.
Grâce à une investigation de la BUAV, le représentant anglais de la Coalition européenne pour mettre fin à l’expérimentation animale, une femme a réussi à se faire embaucher là et à filmer en caméra cachée ce qui se passe – quelle horreur ! – à l’intérieur de ces hauts murs lugubres.
Intitulé “Une vie de chien”, le film est passé le 26 mars sur Channel 4 (la chaîne avec laquelle nous avons fait éclater le scandale des moutons britanniques destinés à l’Aïd-el-Kébir) et la vague de protestations justement indignées a été immédiate. Voici pourquoi nous pensons que cette vague doit également toucher la France.
L’enquête
Depuis de nombreuses années déjà, on savait que des choses atroces se passaient au gigantesque laboratoire HLS, plus de 1500 employés. Ils testent des ingrédients, des médicaments et des produits chimiques (pesticides, fongicides et autres poisons déversés dans la nature), affirmant travailler pour 30 des 50 plus gros laboratoires pharmaceutiques mondiaux.
En 1996, Zoé Broughton, une habitante de la région, réussit à se faire embaucher dans cette usine de mort. Elle y a passé courageusement deux mois pour s’occuper des chiens qu’elle aime, et qu’elle a vu mourir sans pouvoir rien dire. Mais elle était munie d’une caméra miniature presque indétectable ! Cela lui a permis de prouver la véracité d’un témoignage qui, sinon, aurait fait dire à certains : “Vous inventez, vous exagérez. Tout ça ne peut pas se produire dans un grand laboratoire surveillé par les autorités. Vous êtes partiale et payée par les amis des animaux pour mentir.”
Il est bien connu que les antivivisectionnistes sont des affabulateurs qui voient le mal partout. À Huntingdon, pas la peine “d’affabuler” : les images sont là, et le mal aussi !
Les faits
Que voit-on dans un labo quand on y vit ? L’horreur banale de tous les jours, et parfois un peu de sadisme en prime. Une faute due au système, plus une faute due à des individus… Découvrez quelques exemples parlants.
Illégalités
La loi anglaise exige que tous les animaux aient un endroit pour se coucher. Mais à HLS, les beagles n’ont que le béton et un peu de sciure. Un texte simple à faire appliquer, et une chose évidente et permanente que les inspections officielles auraient dû repérer en cinq secondes. Mais ça leur a échappé… Un texte légal qui n’est pas respecté ? Voilà au moins quelque chose qui n’arriverait pas en France : nous n’avons même pas de texte vraiment équivalent !
La sciure, parlons-en. Zoé veut en mettre une pleine pelle par chien, mais on lui dit clairement que la norme pour faire des économies, c’est une demi-pelle par jour. Pourquoi dépenser de l’argent pour ces cabots ? Ces animaux devraient aussi avoir la possibilité de faire de l’exercice, mais elle est réduite au strict minimum : une demi-heure par jour dans un couloir central entre les barreaux de leurs boxes.
Scènes de tortures
Il semble que les jeunes beagles n’aient pas encore un système artériel suffisamment développé. On voit donc des employés qui “tâtonnent” lamentablement en cherchant une veine. Ce sont théoriquement des professionnels, et pourtant ils piquent et repiquent encore et encore jusqu’à ce qu’ils trouvent, parfois pendant une trentaine de secondes. Manifestement, ça les agace parce que ça leur fait perdre du temps. Les chiots couinent de douleur et se débattent sous l’aiguille, mais la souffrance n’entre pas en ligne de compte.
Plus ils bougent, plus c’est difficile ; alors les employés se mettent en colère contre ces sales chiens qui osent se débattre plutôt que de se laisser charcuter tranquillement. Dans le meilleur des cas, on leur hurle après, et les pauvres chiens terrifiés gémissent en urinant sous eux. Souvent, on les secoue brutalement, on les frappe, on leur donne de grands coups de poing dans la tête sous le regard des autres employés. Certains en rient…
Il y a d’ailleurs des petits plaisantins dans ce milieu. Comme un technicien ne parvient pas facilement à planter l’aiguille dans le cou du chien dont la plaie est béante, on voit l’un de ses collègues farceurs s’approcher et faire bouger ses lunettes devant ses yeux, histoire de lui faciliter la tâche. Puis le même individu passe par-derrière et fait mine de le sodomiser, le faisant bouger dans son travail délicat. Les autres s’esclaffent bêtement. On peut torturer et rigoler en même temps.
Enfin, tout le monde le sait, les vivisecteurs aiment les animaux. Du moins les leurs. On voit dans leurs bureaux des photos de leurs compagnons à quatre pattes. Peut-être leur permettent-elles de se “dédouaner” quand on leur pose une question embarrassante…
Le temps passe, et les chiens dépérissent sous l’influence des produits. Une souffrance lancinante qui les ronge. Ils seront euthanasiés puis découpés pour analyses : rien que du très banal, mais on en parle peu et on ne le voit jamais, sauf quand on fait partie du personnel.
Pour la science !
Des employés admettent qu’ils ne donnent pas les bonnes doses de produits chimiques : soit ils se trompent dans la pesée, soit ils arrondissent pour aller plus vite. Dans le pire des cas, l’erreur est au niveau d’une décimale !
Ce qui revient à dire que l’animal reçoit dix fois trop ou dix fois trop peu de produit. Heureusement que certains fabricants paient des fortunes à HLS pour obtenir des résultats fiables… Voici des extraits de la communication de HLS : ils vous rappelleront certainement les discours des “chercheurs” français.
“Nous prenons grand soin de réaliser la formation efficace, le contrôle et le suivi régulier du personnel responsable de la sécurité et du bien-être animal. Nous sommes sûrs que tous ceux qui sont au contact des animaux sont attentionnés et accomplissent leurs tâches avec responsabilité et sensibilité.” Et encore : “Nous avons aussi une présence vétérinaire permanente et de fréquentes visites surprise de l’inspecteur du Ministère.”
Nous, nous n’avons plus de commentaires !
Les retombées
Ce film a fait grand bruit en passant à la télévision britannique.
– Auprès de la population, évidemment écœurée et qui l’a fait savoir massivement.
– Auprès des autorités qui ne pouvaient plus nier : dès le lendemain, le ministère de l’Intérieur a ordonné une enquête et inculpé deux techniciens au regard de la loi de protection animale. Mais pourquoi leur propre service officiel d’inspection n’avait-il rien remarqué ?
– Auprès des responsables et employés d’Huntingdon incriminés : plusieurs ont été mis à pied ou licenciés (trois pour l’instant) par la firme elle-même, laquelle est pressée de montrer du doigt des “brebis galeuses” pour faire croire qu’elles sont isolées.
– Auprès des grandes firmes pharmaceutiques anglo-saxonnes : sans rompre pour l’instant leurs relations avec HLS, Glaxo, Zeneca et Smith Kline Beecham ont pris leurs distances publiquement en disant qu’ils attendaient les conclusions de l’enquête officielle.
– Et même auprès des sociétés étrangères clientes d’HLS. Ainsi en Suède, l’association membre de la Coalition a fait aussi éclater ce scandale dans la presse locale, et l’un des plus gros laboratoires européens, Astra, a décidé, après la fin des contrats en cours, de ne plus travailler avec ce laboratoire. Ce qui représente environ un manque à gagner annuel de 9 millions de francs. Et nous œuvrons de ci de là pour que d’autres suivent cet exemple.
Les conclusions
Par-delà l’impact de ce scandale, voici maintenant les réflexions générales qu’on peut en tirer.
On ne sait vraiment ce qui se passe dans un labo qu’en y étant constamment ! Et encore… Une fois le dos du chef de service ou du vétérinaire tourné, si certains veulent se conduire de façon ignoble, par exemple en frappant les animaux, qu’est ce qui les en empêche ? Rien.
Si une inspection, même surprise, arrive, inutile de vous dire qu’on prendra alors toutes les précautions pour manipuler les animaux avec une douceur angélique. Et les témoins, ne se posant pas trop de questions, repartiront avec le sentiment d’avoir œuvré pour eux, d’avoir tout vu, tout empêché. À Æqualis, nous ne croyons pas aux visites d’animaleries de labos. Même si elles ne sont pas annoncées, on n’ouvrira pas toutes les portes, on ne montrera que ce qu’on a envie de montrer, et le temps qu’on arrive à un endroit critique, un problème aura été arrangé car on aura fait commencer la visite par l’autre côté. Les labos ont intérêt à se faire visiter pour se blanchir aux yeux des naïfs, lesquels sont légion ! “Nous n’avons rien à cacher. Tout va bien. Soyez rassurés. Oui, l’expérimentation animale est un mal nécessaire, mais nous prenons le meilleur soin de nos pensionnaires.”
Quel bon alibi pour endormir les mous, les tièdes et les gogos. Nous pensons que les commissions, comme le CSE (comité scientifique et éthique) d’Holtzheim par exemple, sont des “attrape-nigauds”, et il est tragique de constater que certains ne demandent qu’à se faire complaisamment attraper… Le bien-être des animaux de laboratoires compte, bien sûr, mais c’est mineur – oui, vous avez bien lu, mineur ! – par rapport au respect des animaux constamment bafoué et à la fraude scientifique de la vivisection. Tant qu’il y aura des animaux dans ces endroits de mort, ils seront malheureux, et même sans la présence de sadiques.
Redisons-le encore une fois au risque de radoter :
nous ne voulons pas des cages grandes et propres, nous voulons des cages vides. Mais si, d’ici là, les animaliers et les techniciens agissent avec le minimum de professionnalisme que chacun est en droit d’exiger, ça serait mieux pour les pauvres bêtes qui souffrent au moment même où vous lisez ces lignes.
L’action de One Voice (Æqualis)
Nous avons présenté la vidéo de cette enquête à plusieurs médias, notamment aux cours d’interviews contre le projet d’élevage de beagles à Blyes. En effet, les beagles d’HLS viennent d’élevages similaires à celui auquel nous nous sommes opposés dans l’Ain. À présent, grâce à la détermination des habitants du village, cet élevage de Marshall Farms ne verra pas le jour là-bas. Mais, il nous faut tout faire pour empêcher qu’il ne s’implante ailleurs. Le public français nie encore trop souvent la terrible réalité : la grande misère des animaux élevés pour la vivisection.
Que cette affaire leur ouvre les yeux est notre objectif. Car c’est l’évolution des mentalités, la mobilisation du public qui ont permis les très grands progrès qu’ont faits les pays d’Europe du Nord pour les animaux de laboratoire.
En révélant en France ce dossier et dans le cadre de la campagne contre l’élevage de Blyes, Æqualis a voulu montrer l’enfer caché des labos pour ce qu’il est, mais aussi pour ce qu’il sera toujours si les laboratoires perdurent car certains êtres humains ne changeront pas. Pour travailler là, vous savez tous qu’il faut ne pas aimer les animaux. Dès lors, pourquoi s’étonner ? Il n’y a donc qu’une seule réponse valable à la question posée par ces horreurs : “On ne réglemente pas la torture ; on l’abolit.”
HLS travaille pour de nombreuses firmes du monde entier, et parmi celles-ci, une première investigation de Sarah Kite, employée de la BUAV (Union britannique pour l’abolition de la vivisection), avait en 1989 nommé deux sociétés françaises ; sans doute avec d’autres qu’elle n’a pas pu découvrir lors de son séjour.
– Roussel pour le médicament Surgam, retesté sur des chiens beagles après l’apparition de graves effets secondaires causés par des médicaments du même genre, des anti-inflammatoires non stéroïdes utilisés pour les rhumatismes et l’arthrite (dans les années 80, de nombreux produits de ce type ont été retirés du marché, dont Opren, Osmosin, Flenac, Methrazone, Meralen, Flosint et Zomax).
– Rhône Poulenc pour l’insecticide Phosalone, un organophosphoré très toxique pour tous les mammifères (pas seulement par ingestion mais aussi par inhalation et même au travers de la peau !), utilisé sur des fruits et légumes. Il a été donné dans la nourriture des beagles pour établir des dosages de toxicité alors qu’il était déjà sur le marché, ayant été testé auparavant sur des lapins, des faisans, des souris et des poissons ainsi que sur des rats et des chiens pendant deux ans. Pourquoi recommencer cette expérience sur d’autres chiens une quinzaine d’années plus tard alors que ce poison est bien connu, y compris par ses symptômes chez l’homme ?
DERNIÈRE MINUTE
HLS vient d’être condamné. Le ministère de l’Intérieur britannique lui a retiré sa licence jusqu’au 30 novembre, date de la décision définitive. Après une chute vertigineuse, son action n’est plus cotée en bourse. Une belle victoire pour les adversaires de la vivisection ! En liaison avec les Britanniques, nous surveillons de près le sort des 100 000 animaux détenus par HLS car ils font planer des menaces d’euthanasies.